Après presque deux mois de crise politique, à la suite de l'élection présidentielle iranienne du 12 juin dernier, le guide suprême de la révolution a donné son aval officiel à la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, hier. Pure formalité, la cérémonie d'intronisation n'est cependant pas passée comme lettre à la poste.

«Je nomme cet homme courageux, travailleur, solide et intelligent à la présidence de la République iranienne.» À la fin d'un discours élogieux hier, le numéro 1 du régime islamique iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a confirmé l'élection de l'ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad, réélu dans la controverse le 12 juin dernier.

 

«Le vote ferme et sans précédent des Iraniens pour le président reflète leur approbation», a dit le leader suprême, repoussant du coup les allégations de fraude qui ont poussé plus de 3 millions d'Iraniens à manifester dans les rues du pays au cours des dernières semaines.

Mahmoud Ahmadinejad, qui a gauchement embrassé l'épaule de l'ayatollah Khamenei en signe de loyauté, a pour sa part accusé certains pays étrangers d'avoir manipulé le mouvement d'opposition. «Je dis aux gouvernements interventionnistes: vous avez commis une injustice à l'égard du peuple lors de cette élection et vous avez mal utilisé vos moyens politiques et financiers», a-t-il lancé au moment de son discours d'acceptation.

Fissure chez les ayatollahs

L'inauguration qui a eu lieu hier est une formalité prévue par la Constitution iranienne. Elle sera suivie demain de l'assermentation du président par le Parlement iranien, une autre étape obligée. Cependant, selon plusieurs experts de l'Iran, la cérémonie d'hier, malgré les bons mots qui y ont été échangés, a témoigné de la profonde dissension politique au sein du régime des ayatollahs.

De nombreux poids lourds du pouvoir religieux chiite brillaient par leur absence. C'était notamment le cas des anciens présidents Mohammad Khatami et Hachemi Rafsandjani. Les deux hommes, qui avaient assisté à l'intronisation d'Ahmadinejad en 2005, ont ouvertement critiqué le pouvoir iranien au cours des derniers jours, notamment pour le traitement réservé aux prisonniers politiques.

Au dire du politologue Houchang Hassan-Yari, professeur au Collège militaire royal du Canada, leur absence à la cérémonie d'hier constituait un affront à la fois à Ahmadinejad et au leader suprême. «Jusqu'à tout récemment, Khatami était très respectueux à l'égard de Khamenei en public», note-t-il.

Autre absence remarquée: celle du petit-fils de l'ayatollah Khomeinei, principal symbole de la révolution islamique. «La division dans les rangs des islamistes est de plus en plus claire», croit M. Hassan-Yari.

Procès multiples

La cérémonie d'intronisation a eu lieu au lendemain du début des procès de 100 personnes accusées d'avoir organisé ou soutenu le chaos postélectoral. Plusieurs d'entre elles sont des figures de proue du mouvement réformiste iranien, auquel est associé Mir Hossein Moussavi, le candidat défait à l'élection présidentielle. «En choisissant d'ouvrir les procès à la veille de l'intronisation, ceux qui sont au pouvoir en Iran montrent qu'ils n'ont pas l'intention de faire marche arrière. Ce sont deux coups portés à l'opposition», estime James Devine, expert du Moyen-Orient à l'Université Concordia.

Hier, cette opposition, qui réclame plus de démocratie en Iran, s'est d'ailleurs fait entendre. Des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes du monde, dont une à Montréal. Les manifestants demandaient notamment aux pays occidentaux de ne pas reconnaître la présidence de Mahmoud Ahmadinejad. En Iran, Mir Hossein Moussavi a aussi invité ses supporters à manifester devant le Parlement iranien demain, jour de l'assermentation du président.