L'attentat le plus meurtrier depuis un an et demi en Irak a causé la mort de 72 personnes dans la région de Kirkouk, rappelant que les progrès en matière de sécurité restent fragiles à moins de 10 jours du retrait américain des villes du pays.

L'attentat, qui a ravagé le centre de la ville en détruisant plus de 80 maisons, a été attribué par les autorités locales au réseau Al-Qaeda et provoqué la colère des habitants turcomans de cette localité traditionnellement paisible.

Un kamikaze a fait exploser son camion bourré d'une tonne d'explosifs, selon la police, dans une rue du centre ville.

«Le bilan de l'explosion de l'attentat suicide au camion piégé d'hier (samedi) à Taza est aujourd'hui de 72 martyrs», a affirmé le chef de la police de la grande banlieue de Kirkouk, le général Sarhad Qadir. Le bilan des blessés est de plus de 200, selon lui.

Le Dr Ibrahim Mohammed Jassem, un médecin à la morgue a Kirkouk, a confirmé ces chiffres. La Croix-Rouge internationale (CICR) a de son côté envoyé une tonne de matériel médical à l'hôpital Joumhouri de Kirkouk, selon Dibeh Fakhr, la porte-parole du CICR en Irak.

«Il est probable que le bilan augmente encore car les opérations de recherche ne sont pas terminées», a insisté le Dr Jassem.

«La plupart des victimes sont des enfants, des personnes âgées ou des femmes sans défense qui représentent une cible facile pour les terroristes», a affirmé à l'AFP le gouverneur de Kirkouk, Abdel Rahman Moustapha. «Le terrorisme n'a pas été entièrement éliminé même s'il a été affaibli grandement.»

«Ils veulent planter les graines de la discorde confessionnelle au sein du peuple irakien», a-t-il condamné, précisant qu'une commission d'enquête avait été établie.

Dans la matinée, la défense civile irakienne poursuivait ses recherches dans les décombres des maisons, aidée par des soldats américains.

«Quatre-vingts maisons ont été détruites par le souffle de l'explosion. Les dégâts sont très importants dans les magasins, les cafés et les bâtiments administratifs», a affirmé le lieutenant de la défense civile Saad Mahmoud, sur les lieux de l'attentat.

Les habitants erraient dimanche au milieu des décombres tentant de récupérer quelques biens dans leurs maisons de terre cuite détruites, trouvant ici et là quelques vêtements alors que les sauveteurs dégageaient les gravats à la pelle ou même à mains nues.

Tous exprimaient des sentiments mêlées de désolation et de rage.

«Ce n'est pas la première fois que les Turcomans sont des cibles. Partout à Tal Afar, Touz Khormatou, Daqouq, Amerly, Kirkouk, nous sommes visés», enrageait Hassan Ghaib, qui a perdu son frère, sa belle soeur et trois de leurs enfants.

«Jusqu'à quand pleurera-t-on nos morts. Qui nous protège ? Pourquoi les terroristes s'attaquent à nous ?», a-t-il encore lancé, la voix remplie de colère.

«Taza est sinistrée par cette explosion qui a détruit nos familles, nos vies, nos maisons. Voilà le vrai visage des terroristes! Ils s'attaquent aux innocents dans leurs maisons!», a repris un autre habitant, Majid Chaker, 58 ans.

Selon lui, plusieurs familles du quartier ont été décimées par l'attentat. «Toute la famille Zamane, 17 membres en tout, a été tuée. Seul un enfant de 5 ans, Hussein, a survécu car il se trouvait en dehors de la maison», a raconté l'homme.

«Un enseignant en religion, le mollah Hussein Tazli, 71 ans, a été tué avec les 12 membres de sa famille», a-t-il encore poursuivi.

Selon les termes d'un accord de sécurité conclu en novembre 2008 entre l'Irak et les États-Unis, les troupes américaines doivent se retirer au plus tard le 30 juin des villes irakiennes, première étape d'un désengagement total prévu fin 2011.