Le mouvement de protestation post-électoral secoue les fondements de la République islamique d'Iran depuis près d'une semaine. Mais l'homme qui est aux commandes, l'ayatollah Ali Khamenei, en a vu d'autres. Portrait d'un leader improbable qui a traversé plus d'une tempête.

Sur des centaines d'édifices de la capitale iranienne, deux visages ont été peints à répétition par les peintres de la république islamique. Au premier plan, on discerne toujours le grand chef de la révolution de 1979, l'ayatollah Rouhollah Khomeiny. Tout juste derrière, son successeur, l'ayatollah Ali Khamenei.Cette hiérarchie iconographique résume à elle seule la place qu'occupe dans l'imaginaire iranien l'actuel Guide suprême de la révolution. Même s'il dirige la destinée politique et religieuse de l'Iran depuis 20 ans, soit 10 de plus que son prédécesseur et père spirituel, Ali Khamenei entretient toujours l'image du second violon.

«Il est enclin à rester loin des projecteurs, cela fait partie de son style de leadership. Il n'y a pas de leader dans le monde qui tient un rôle aussi central dans l'actualité et qui est aussi peu connu que l'ayatollah Khamenei», peut-on lire dans une étude de 35 pages que la Fondation Carnegie pour la paix internationale lui a consacrée l'an dernier. «Il est pourtant l'individu le plus puissant d'un régime autocratique hautement divisé», écrit Karim Sadjadpour, l'auteur de l'étude.

Ce rôle central est mis en lumière ces jours-ci alors que les manifestations se multiplient en Iran au lendemain de la réélection contestée de Mahmoud Ahmadinejad. L'ayatollah Khamenei a le pouvoir de demander un nouveau scrutin. Il a aussi le contrôle des milices qui s'en prennent aux protestataires.

Rien ne prédestinait pourtant ce fils de religieux, né en avril 1939 à Mechhed, à grimper les échelons de la hiérarchie chiite.

Il s'est cependant tôt fait aimer de l'ayatollah Khomeiny, son professeur, dont il est devenu le confident pendant la révolution islamique. Sa loyauté au leader religieux lui a d'ailleurs valu six séjours dans les prisons du schah au cours desquels il a été victime de torture.

En 1981, Ali Khamenei est devenu célèbre en survivant à un attentat à la bombe organisé par les Moujahidines du peuple, un mouvement islamiste marxiste. Il y a perdu l'usage d'une main. Quelques mois plus tard, il est devenu le troisième président de la nouvelle république.

En 1989, à la veille de sa mort, l'ayatollah Khomeiny, en brouille avec son successeur désigné, l'ayatollah Montazeri, a fait amender la Constitution pour permettre à Ali Khamenei d'occuper le plus haut poste du pays.

À la fois leader religieux et politique, Khamenei est le commandant en chef de l'armée et le principal responsable de la politique étrangère du pays. «Même s'il est vu comme faible ou hésitant par certains de ses adversaires, quand on étudie ses discours, on discerne un leader déterminé, avec une vision du monde cohérente et constante, bien que hautement cynique et teintée par la théorie d'un complot (de l'Occident contre l'Iran), conclut le rapport de la Fondation Carnegie. Il est temps que le monde accorde moins d'attention à Mahmoud Ahmadinejad et plus à l'ayatollah.»