Le leader suprême de l'Iran a-t-il été ébranlé par les critiques de l'élection présidentielle? Hier, dans une volte-face peu commune, l'ayatollah Ali Khamenei, qui avait d'abord accordé sa bénédiction à la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, a donné son feu vert à la tenue d'une enquête sur d'éventuelles fraudes électorales, une première dans l'histoire de la République islamique.

Le Conseil des gardiens de la révolution, composé de 12 membres du clergé chiite, aura la responsabilité de revoir le processus électoral qui s'est soldé par l'annonce vendredi soir de la victoire du président sortant dès le premier tour, avec près de 63% des voix.

En changeant sa position, le leader religieux et politique iranien a cependant demandé au principal adversaire de M.Ahmadinejad, le réformiste Mir Hossein Moussavi, de limiter sa contestation aux "voies légales".

La concession de l'ayatollah Khamenei au camp réformiste n'a pas empêché des centaines de milliers voire, selon l'AFP, plus d'un million de supporters de M.Moussavi de déverser à nouveau leur mécontentement dans les rues de Téhéran hier et ce, malgré l'interdiction formelle de rassemblement émise par les autorités.

Muni d'un porte-voix, M.Moussavi, qui n'était pas apparu en public depuis le jour du scrutin, s'est joint à ses partisans. "Nous sommes prêts à participer à une autre élection", a-t-il dit sous les acclamations. Ses partisans ont répondu avec des "Allahu Akbar (Dieu est grand)" et des "Moussavi, reprend notre vote", aux dires de témoins.

Les forces de l'ordre sont intervenues pour disperser les manifestants. Des vidéos qui circulent dans Internet montrent des agents à moto, armés de matraques, fonçant sur les protestataires.

Un mort et des blessés

Un photographe de l'Associated Press, qui se trouvait près de la place de la Liberté (Azadi) lors de la manifestation, rapporte aussi avoir été témoin de coups de feu. Selon le photojournaliste, au moins une personne a été tuée par balles et plusieurs autres ont été blessées grièvement.

D'autres Iraniens ont remis au goût du jour une technique de protestation popularisée par l'ayatollah Khomeyni pendant la révolution islamique de 1979 afin de détourner la police du shah. Ils sont sortis sur leurs toits pour hurler leur mécontentement, se tenant ainsi loin des matraques.

Selon Mir Hossein Moussavi, les manifestations sont loin d'être terminées. Hier, il annonçait que 20 marches pacifiques devraient avoir lieu aujourd'hui, dans une vingtaine de villes iraniennes. Cet ancien premier ministre de l'Iran, qui a obtenu 34% des voix selon le décompte rendu public par le ministère de l'Intérieur, soutient notamment que le dépouillement des bulletins deuxheures pour 39 millions de votes a été trop rapide pour être exhaustif.

Réactions internationales

Les réactions aux événements des derniers jours en Iran ont fusé des quatre coins du monde.

En conférence de presse, le président américain s'est dit "profondément troublé" par la violence qui a éclaté en Iran. Barack Obama estime cependant qu'il revient aux Iraniens de prendre les décisions appropriées à l'égard de leurs élections présidentielles.

Le secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, Ban Ki-moon, a affirmé pour sa part qu'il suivra de près l'enquête qu'a commandée l'ayatollah Khamenei. "Dans n'importe quel pays, quand il y a une élection, la volonté véritable du peuple doit être reflétée et respectée de la manière la plus transparente, juste et objective", a-t-il insisté lors d'un point de presse.

Au Canada, le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, s'est dit "profondément inquiet" de la situation en Iran et tout particulièrement du "traitement brutal" réservé aux manifestants "par les forces de sécurité dans l'ensemble du pays" et à des membres de médias étrangers.

Les 27 ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne, en réunion hier, ont abondé dans le même sens et demandé une enquête transparente.

La France et l'Allemagne ont convoqué leurs ambassadeurs respectifs afin que ces derniers fassent rapport sur les événements des derniers jours. Des supporters de Mahmoud Ahmadinejad y ont lu de l'interférence dans les affaires iraniennes et ont manifesté bruyamment devant l'ambassade française.

Avec AGENCE FRANCE-PRESSE et ASSOCIATED PRESS