En répondant rapidement au président Barack Obama, le dirigeant suprême de l'Iran, l'ayatollah Ali Khamenei a voulu signifier qu'il restait seul décideur sur la question centrale d'un rapprochement avec les États-Unis, à moins de trois mois de la présidentielle, ont estimé dimanche des analystes.

Il est très rare que le guide suprême iranien réagisse aussi rapidement car il se donne généralement le temps de la réflexion. «Changez, et notre attitude changera», a-t-il déclaré samedi, au surlendemain de l'offre du président américain, ajoutant qu'il prenait ses décisions «avec logique et non de manière émotionnelle (et) après avoir fait des calculs précis».

«Il a voulu signifier à tout le monde que c'est lui qui prend les grandes décisions. Le silence du président Mahmoud Ahmadinejad ou du ministère des Affaires étrangères le confirment», a déclaré à l'AFP l'analyste Parviz Esmaïli, proche des conservateurs.

Pour l'analyste modéré Mashallah Shamsolvaezine, le président Obama a eu raison de s'adresser au plus haut niveau du pouvoir iranien et non au président Ahmadinejad.

«Je suis certain que le président Ahmadinejad aurait voulu donner lui-même cette réponse au président Obama car cela aurait augmenté ses chances de réélection, mais le guide suprême a signifié qu'il était aux commandes», a affirmé à l'AFP l'analyste réformateur Saïd Leylaz.

À l'approche de la présidentielle du 12 juin, la question d'une reprise des relations entre Téhéran et Washington peut devenir un thème central car la majorité des Iraniens y sont favorables, selon des analystes, même si beaucoup estiment que seuls les conservateurs auront les mains libres pour le faire.

Pour le moment, outre M. Ahmadinejad, dont un proche a dit qu'il serait candidat, l'ancien premier ministre modéré Mir Hossein Moussavi et le réformateur Mehdi Karoubi restent en lice après le retrait de l'ancien président réformateur Mohammad Khatami.

«Quoi qu'on pense d'Ahmadinejad, il a beaucoup fait pour normaliser cette question. Les conservateurs ne permettront jamais à un président réformateur de tirer bénéfice d'un tel rapprochement avec les États-Unis», affirme M. Leylaz, qui estime que cela profiterait à un candidat plus modéré que M. Ahmadinejad, même s'il vient du camp conservateur.   

Pour M. Shamsolvaezine, les conservateurs, parmi lesquels il range le guide suprême, ont une capacité plus grande pour un tel rapprochement, ce qui va renforcer leurs chances à la présidentielle.

«M. Khamenei a une confiance accrue, car il peut dire que sa politique de résistance face aux États-Unis a payé et cela lui donne une plus grande légitimité. C'est pourquoi il se permet de dire que les États-Unis doivent accepter l'Iran tel qu'il est, c'est-à-dire avec son programme nucléaire, son programme balistique et avec son influence dans la région», estime-t-il.

Tous pensent que la réponse de M. Khamenei a été modérée.

«La partie dure concernait le bilan de la politique américaine au cours des dernières décennies mais la partie la plus significative est la petite phrase dans laquelle il a affirmé que si les États-Unis changent de politique, l'Iran changera aussi», a déclaré M. Shamsolvaezine.

Toutefois, les analystes estiment que le chemin sera long, comme l'a reconnu le président Obama.

«L'Iran et les États-Unis ressemblent à deux jeunes amoureux qui ont commencé à se haïr. La haine peut se transformer de nouveau en amour. C'est l'indifférence qui tue. Mais cela ne pas dire qu'ils vont sauter dans le lit immédiatement, cela prendra du temps», conclut M. Shamsolvaezine.