Pressé par ses partisans de se lancer dans la bataille présidentielle de juin 2009 pour battre l'ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad, l'ancien président réformateur iranien Mohammad Khatami fait durer le suspense.

Invité à Yazd (sud) pour une cérémonie visant à «rendre hommage à l'enfant du pays», il a soigneusement évité le sujet de sa possible candidature. Alors que des écoliers scandaient «Khatami président», celui qui l'a été de 1997 à 2005 leur a fait sèchement signe de cesser.Le bilan économique et international du président Mahmoud Ahmadinejad est pourtant de plus en plus critiqué. L'isolement croissant de l'Iran, à cause de son programme nucléaire controversé et des déclarations de M. Ahmadinejad contre Israël et les Etats-Unis, et le mécontentement qu'entraîne une inflation galopante, qui atteint officiellement les 30%, ont redoré l'image de M. Khatami.

Dans le bazar de la ville, qui avait pourtant plébiscité M. Ahmadinejad en 2005, les critiques fusent.

«La vie chère étouffe tout le monde. Les gens viennent, regardent et repartent sans rien acheter. Il n'y a plus d'argent», déclare Saïd, un vendeur de 35 ans.

«J'ai voté pour Ahmadinejad, mais il n'a rien apporté d'autre que la vie chère et des problèmes. Je voterai pour Khatami cette fois-ci», ajoute-t-il.

Quelques magasins plus loin, le bijoutier Mohammad Ali Beheshti le voit favori, tout en dénonçant son «occidentalisme».

«J'ai voté pour Ahmadinejad et je recommencerai. Khatami est trop occidentalisé, il n'est pas bien pour le pays. Mais s'il se présente, il gagnera», affirme-t-il.

Le commerçant dénonce «la campagne de propagande des médias et des ennemis contre M. Ahmadinejad» mais admet aussi que «l'inflation lui a coûté des voix».

Devant l'entrée principale de la principale moquée de la ville, un haut lieu touristique, les commerçants se plaignent aussi des déclarations présidentielles.

«Avant, il y avait des cars de touristes tout le temps. Aujourd'hui, c'est le vide. Le président, c'est l'image d'un pays. Depuis Ahmadinejad, les touristes ne viennent plus», dit un vendeur qui ne veut pas être nommé.

En trois ans, M. Khatami, 65 ans, a redoré son blason. Une partie de l'électorat modéré le jugeait écorné par sa mollesse supposée à l'égard des durs du régime.

«S'il ne se présente pas, les gens diront que Khatami aurait pu sauver le pays et qu'il n'a rien fait», soutient Mohammad Ali Abtahi, son ancien chef de cabinet, en évoquant un «devoir historique».

Mais chacun pense aux difficultés à venir, et notamment à l'hostilité des conservateurs qui contrôlent les rouages du pouvoir.

«Ils feront tout pour l'empêcher de se présenter», soutient son frère cadet Mohammad Reza, qui se dit hostile à sa candidature. «Même s'il gagne l'élection, on ne le laissera pas faire. Une dure bataille va commencer pour l'avoir à l'usure», dit-il.

Son entourage semble pourtant se préparer à une possible candidature.

«Il y a un an, je lui ai dit que je ne lui pardonnerai pas s'il se représentait. Mais aujourd'hui, les choses ont changé. Il faut qu'il fasse ce qui est dans l'intérêt du pays et de Dieu», dit à voix basse sa mère, Sakineh Rezaïe, âgée de 85 ans, derrière son tchador noir en recevant quelques journalistes dans sa maison basse de Yazd.

L'ancien Premier ministre italien Romano Prodi, qui accompagnait M. Khatami avec d'autres ex-responsables occidentaux, a indiqué à l'AFP que ce déplacement avait un «fort accent électoral».

L'ex-présidente irlandaise Mary Robinson a prédit que «si on a un président américain ouvert au dialogue et un président iranien comme Khatami, beaucoup de choses changeront».

L'ex-président se laissera-t-il convaincre? Son deuxième frère, qui ne le quitte pas d'une semelle, affirme qu'il n'est pas pressé. «Il a encore deux à trois mois pour se décider», explique Ali Khatami.