Sifflets, slogans hostiles, échanges à bâtons rompus : le candidat à la présidentielle française Emmanuel Macron a vécu l'épreuve du feu dans une usine en péril du nord du pays, où sa rivale d'extrême droite Marine Le Pen avait fait une visite surprise dans la matinée.

«Bien sûr qu'il y a de la colère dans le pays, il y a de l'angoisse», «il y a une responsabilité à prendre, c'est pour ça que je suis là», a lancé le jeune centriste lors d'un vif dialogue avec des salariés de l'usine Whirlpool d'Amiens, menacée de fermeture, après un accueil houleux sous les sifflets et les «Marine présidente».

Alors que cette région est déjà frappée par de nombreuses fermetures de sites industriels, le géant américain de l'électroménager a décidé de délocaliser en Pologne et de fermer l'usine, qui emploie 290 personnes et fait travailler de nombreux sous-traitants.

Un dossier sensible dans un pays frappé par un chômage de masse (10%), autour duquel s'est durcie la bataille entre les deux prétendants à l'Elysée, à onze jours du second tour de la présidentielle.

Le matin, alors que le candidat pro-européen de 39 ans rencontrait dans sa ville natale des délégués syndicaux de l'usine, Marine Le Pen se rendait sur le site même de Whirlpool pour un bain de foule avec des grévistes, une visite non programmée.

«Je suis là au côté de salariés, sur le parking, pas dans des restaurants» d'Amiens, a-t-elle déclaré, se prêtant au jeu des selfies avec des salariés.

Se présentant comme le porte-drapeau des «travailleurs», la candidate anti-Europe et anti-immigration, arrivée en tête dans cette région dimanche, s'est aussi posée comme «candidate des Français qui ne veulent pas être dépossédés de leur emploi, de leur pouvoir d'achat».

Emmanuel Macron a aussitôt dénoncé «l'utilisation politique» du conflit social avant d'aller à son tour dialoguer avec les salariés Whirlpool.

Comment maintenir l'emploi en France «alors qu'en Pologne ils sont payés 2,75 euros de l'heure?», lui a lancé l'un d'entre eux.

«Promesse mensongère»

«Oui, il y a quelque chose qui ne va pas», a déclaré l'ancien ministre de l'Économie, mais «la fermeture des frontières, c'est une promesse mensongère», et «le projet que porte Mme Le Pen est un projet qui détruit le pouvoir d'achat», a-t-il mis en garde, en référence à la volonté de la candidate de sortir de l'euro.

Fustigeant les «entreprises qui se comportent mal», M. Macron est toutefois resté ferme sur sa ligne pro-entreprises: «On ne peut pas interdire les licenciements, parce qu'il y a des licenciements qui se justifient».

Ce chassé-croisé surprise a fait monter d'un cran l'intensité de la campagne. Face à une Marine Le Pen très offensive depuis sa qualification au second tour dimanche, M. Macron, très discret en début de semaine, est entré dans l'arène mercredi, après des critiques sur son attitude de quasi-vainqueur.

«Nous pouvons être fiers» des résultats du premier tour mais «avec gravité (...) car tout dépend de notre capacité à gagner largement» au second tour le 7 mai, a reconnu M. Macron lors de son premier rassemblement de l'entre-deux-tours dans la soirée, décochant à son tour flèche sur flèche contre le projet de son adversaire et ses «mensonges».

Largement axé sur «les fractures» en France, son discours, très combatif, a étrillé Mme Le Pen, qui «se prétend du peuple mais est une héritière», tout en appelant à «respecter la colère» de certains Français et à «convaincre» pour «recontruire l'unité» et «construire».

Emmanuel Macron est donné vainqueur le 7 mai par tous les sondages publiés depuis dimanche soir avec de 62% à 64% d'intentions de vote, mais il a déjà reconnu que «rien n'était gagné».

S'il a recueilli des ralliements de tous bords pour «faire barrage» à l'extrême droite, le tribun de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon (19,58% des suffrages au premier tour) a fait savoir qu'il ne révèlerait pas la nature de son vote, quel que soit le résultat de la consultation engagée auprès de ses militants.

AP

Marine Le Pen a été accueillie par des ouvriers à Amiens, mercredi matin.