Entre 163 000 et 320 000 manifestants ont défilé samedi dans sept villes allemandes pour dénoncer le projet de traité de libre-échange transatlantique (TTIP), un texte soutenu par Angela Merkel mais de plus en plus décrié en Europe et que la France veut enterrer.

Dans un pays où la population est largement hostile à ce traité en cours de négociation entre les États-Unis et l'UE, les organisateurs des manifestations de samedi - une trentaine d'ONG, de syndicats et partis politiques - ont affirmé avoir mobilisé quelque 320 000 personnes. La police dans les 7 villes concernées par les défilés avançait plutôt une fourchette de 163 000 à 188 000 manifestants.

À Berlin, de 50 000 à 70 000 personnes se sont rassemblées, malgré les fortes pluies qui se sont abattues en début de manifestation, à la mi-journée. La mobilisation a également été forte dans les 2 autres principales villes du pays, Hambourg et Munich. Elle a été moins importante à Francfort, Cologne, Stuttgart et Leipzig.

Mille pancartes et drapeaux bariolés y étaient tenus à bout de bras, barrés de slogans comme «Démocratie au lieu du TTIP», «Non c'est non», ou encore «Partager plutôt que diviser».

Outre le TTIP, pour lequel un nouveau round de négociations vient d'être fixé à début octobre, les manifestants entendent également exprimer leur opposition au Ceta, le traité de libre-échange avec le Canada dont la signature finale est attendue à la fin du mois prochain.

«Les gens au premier plan»

Ces deux traités inquiètent de longue date les Allemands alors qu'à l'inverse Mme Merkel n'a cessé d'insister sur les «chances de créations d'emplois» qui doivent selon elle en découler.

«En Europe, il faut que ce soient les gens qui reviennent au premier plan (...) c'est pour ça qu'il faut stopper le TTIP», a jugé à Berlin Axel Kaiser, coordinateur d'une plateforme de petites et moyennes entreprises contre ce traité.

«Nous nous battons pour des processus de décision démocratiques, pour que les principes de l'État de droit s'appliquent dans les accords commerciaux», a estimé un autre militant Ulrich Schneider.

Négocié depuis mi-2013 par le gouvernement américain et la Commission européenne, l'accord TTIP (Transatlantic Trade Investment Partnership, également connu sous un autre acronyme anglais, Tafta), vise à supprimer les barrières commerciales et réglementaires de part et d'autre de l'Atlantique pour créer une vaste zone de libre-échange.

Ses détracteurs craignent, outre une remise en cause des normes sociales, sanitaires et environnementales européennes, la création d'un mécanisme d'arbitrage parallèle pour les investisseurs étrangers qui viendrait affaiblir le pouvoir des autorités publiques face aux grandes entreprises.

Les organisateurs des manifestations en Allemagne ne cessent également de dénoncer des négociations tenues dans le plus grand secret.

«Nous avons besoin d'accords commerciaux meilleurs, et nous pouvons en avoir si nous stoppons les mauvais accords (...) en nous battant pour une économie équitable», a dénoncé Jennifer Morgan, dirigeante de Greenpeace International.

Soutenu par la chancelière Angela Merkel, le TTIP divise aussi son gouvernement, le vice-chancelier social-démocrate Sigmar Gabriel ayant vertement critiqué le traité.

Face à la défiance accrue, la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, a dénoncé samedi dans le quotidien Bild «les incompréhensions, légendes urbaines et mensonges dans le débat» autour de ce traité».

Selon un sondage de l'institut Ipsos, 52% des Allemands estiment que le libre-échange mène à un affaiblissement des normes sociales et permet l'importation de produits préjudiciables pour la santé.

«De facto échoué»

Sigmar Gabriel a jeté un pavé dans la mare au début du mois en assurant que le TTIP avait «de facto échoué».

Le SPD doit décider lundi lors d'un mini-congrès s'il approuve ou non le Ceta, que le gouvernement qualifie d'«accord très réussi».

D'autres pays européens, comme l'Autriche mais surtout la France, sont opposés au traité.

Mercredi, le secrétaire d'État français au Commerce extérieur Matthias Fekl a affirmé que les négociations entre la Commission européenne et les États-Unis n'avaient plus le soutien politique de Paris. Le premier ministre français Manuel Valls a également demandé «un coup d'arrêt clair» dans les négociations.

Washington, tout comme Mme Merkel, veulent encore achever les négociations avant la fin de l'année, tant que Barack Obama se trouve à la Maison-Blanche.