L'acquittement de l'ancien président Milan Milutinovic par la justice internationale a été éclipsé en Serbie par la condamnation, dénoncée à Belgrade, de cinq autres dignitaires de l'ancien régime Milosevic pour crimes de guerre au Kosovo.

M. Milutinovic était attendu dans la discrétion vendredi soir à Belgrade, au lendemain de son acquittement dans le premier jugement rendu par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPI) de La Haye pour des crimes imputés à des Serbes pendant la guerre au Kosovo.

Le TPI a établi que l'ancien président serbe (1997-2002) n'avait pas de contrôle direct sur les forces serbes engagées en 1998-1999 dans la répression contre les séparatistes kosovars albanais, à l'origine de l'intervention de l'Otan dans la province.

Mais il a condamné à 15 à 22 ans de prison cinq autres anciens dirigeants serbes de l'époque, dont Nikola Sainovic, alors vice-Premier ministre de la République fédérale de Yougoslavie (RFY), l'ancien chef de l'état-major de l'armée Nebojsa Pavkovic et celui de la police serbe au Kosovo, Sreten Lukic.

«Les verdicts du Tribunal basé à la Haye ont été démesurés compte tenu des crimes dont les prévenus étaient accusés», a critiqué l'actuel Premier ministre serbe Mirko Cvetkovic.

Le ministre chargé de la coopération avec le TPI, Rasim Ljajic (bien: Ljajic), a renchéri en estimant que les condamnations allaient «raffermir l'impression de "deux poids, deux mesures"» dans l'opinion publique serbe, en référence à l'acquittement l'an passé de l'ancien commandant de la guérilla kosovare Ramush Haradinaj.

Lui aussi poursuivi pour crimes de guerre au Kosovo, M. Haradinaj avait été blanchi en avril 2008 à La Haye, au terme d'un procès marqué par le refus de nombreux témoins de comparaître.

Selon des analystes, les condamnations prononcées par le TPI portent un coup à la bataille engagée par la Serbie devant la Cour internationale de justice (CIJ) contre l'indépendance proclamée en février 2008 par le Kosovo, reconnue depuis par 55 pays dont les Etats-Unis et 22 des 27 pays de l'Union européenne.

«Ce sont des actes légaux qui pourraient montrer qu'après tout il est impossible de penser que le Kosovo puisse continuer à faire partie de la Serbie», a estimé vendredi Natasa Kandic, directrice de l'organisation non-gouvernementale Centre pour le droit humanitaire.

Au Kosovo, le quotidien Koha Ditore a salué sur un ton similaire les verdicts de La Haye: «Il n'y a pas de meilleur argument en faveur de l'indépendance».

Les dirigeants de Pristina ont réagi avec modération. En visite à Washington avec le Premier ministre Hashim Thaçi, le président kosovar Fatmir Sedjiu s'est limité à réaffirmer jeudi sa «pleine confiance» dans le TPI, malgré l'acquittement de M. Milutinovic.

«Chaque jugement doit être analysé le mieux possible», a ajouté le président kosovar, rappelant que les crimes commis pendant la guerre de Yougoslavie l'ont été «par ceux qui dirigeaient la politique à ce moment-là».

A Pristina, l'accueil de l'homme de la rue était nettement moins amène vendredi. «Ils auraient dû être condamnés à la prison à vie», déclarait Nysret Shabani, 67 ans, un habitant originaire du village kosovar de Racak, où la tuerie de 45 Albanais en janvier 1999 par les forces serbes (des combattants selon le régime de Milosevic, des civils massacrés délibérément selon les Occidentaux) avait précipité l'intervention de l'Otan.