Les renforts annoncés par le président américain Barack Obama en Afghanistan risquent de ne pas suffire à endiguer la violence des rebelles dans un pays toujours en proie à la misère plus de sept ans après l'intervention alliée.

M. Obama a décidé l'envoi de deux brigades supplémentaires en Afghanistan d'ici à l'été et de forces de soutien logistique pour un total d'environ 17.000 hommes, a indiqué mardi soir un responsable de la Défense.

Dès mercredi, le commandant des forces internationales en Afghanistan (Isaf), le général américain David McKiernan, a averti que les forces alliées seraient confrontées à une «année difficile» en Afghanistan, même avec l'envoi de ces renforts.

Le nouveau président américain hérite d'une situation difficile sur le terrain, face aux avancées des talibans chassés du pouvoir en 2001. Les perspectives sont mauvaises, parce que l'ancien président George W. Bush «a laissé empirer la situation» en détournant hommes et ressources pour sa guerre en Irak, observe l'expert Lawrence Korb, du Center for American Progress.

Les renforts doivent être déployés le long des axes de communication, devenus des cibles faciles pour les talibans, avec l'espoir de relancer des projets de développement rural mis à mal par les attentats à répétition le long des routes.

Mais les renforts risquent aussi de se rendre impopulaires auprès de la population, qui ressent de plus en plus mal la présence alliée à mesure que les bombardements emportent des civils.

L'administration Obama estime que la victoire en Afghanistan ne sera pas seulement militaire mais devra s'accompagner d'une aide au développement du pays.

Le secrétaire à la Défense Robert Gates a indiqué mercredi que les États-Unis attendaient des contreparties de la part des alliés de l'Otan, en particulier sur le plan civil.

«Je vais dire à nos alliés qu'ils pourraient fournir une contribution à long terme au niveau civil, sur le plan de la gouvernance, de la formation de la police (afghane), de la lutte contre la drogue et la corruption», a-t-il dit à bord de l'avion l'emmenant à une réunion des ministres de la Défense de l'Otan en Pologne.

Mais le contexte général n'est guère encourageant: le gouvernement de Kaboul et les forces de police afghane sont des nids de corruption, selon un rapport du Pentagone publié le mois dernier. L'armée américaine s'alarme de voir les campagnes sombrer dans l'anarchie, alors que fleurit le trafic d'opium.

M. Obama a d'ores et déjà annoncé des objectifs moins ambitieux que ceux de son prédécesseur.

«Nous ne pourrons pas transformer l'Afghanistan en une démocratie jeffersonienne», a-t-il reconnu à la télévision, en référence à l'idéal du principal rédacteur de la constitution américaine.

La zone frontalière avec le Pakistan, utilisée comme base de repli par Al-Qaïda, pose le problème le plus épineux, observe Gilles Dorronsoro, chercheur au centre de réflexion Carnegie Endowment for International Peace.

«Même avec l'entier soutien du gouvernement et de l'armée pakistanais (ce qui est une hypothèse très optimiste) la frontière restera en dehors de tout contrôle pendant des années», pronostique-t-il.

Les alliés européens ainsi que le général David Petraeus, qui commande les forces américaines dans la région, ont évoqué l'ouverture de négociations avec certains éléments rebelles, sur le modèle de ce qui s'est passé en Irak.

Mais les talibans risquent d'être peu enclins à négocier au moment où ils gagnent du terrain sur les forces du président Hamid Karzai, analyse Daniel Markey, du Council on Foreign Relations.