Donald Trump a obstinément refusé lundi de condamner Moscou pour l'ingérence dans la campagne présidentielle américaine lors d'un sommet à Helsinki avec Vladimir Poutine, suscitant un tollé à Washington pour son ton résolument conciliant avec l'homme fort du Kremlin.

À l'issue d'un tête-à-tête de deux heures, les deux hommes ont affiché leur volonté d'écrire un nouveau chapitre des relations entre Washington et Moscou.

Mais c'est l'attitude du 45e président des États-Unis sur la question brûlante de l'ingérence russe dans la campagne 2016, attestée de façon unanime par les enquêteurs du FBI et les agences américaines du renseignement, qui a provoqué la stupéfaction. Encore lundi, le chef du renseignement, Dan Coats, a confirmé ses certitudes.

«J'ai le président Poutine qui vient de dire que ce n'était pas la Russie (...) Et je ne vois pas pourquoi cela le serait», a lancé M. Trump, laissant entendre qu'il était plus sensible aux dénégations du dirigeant russe qu'aux conclusions de ses propres services.

«Le président (Poutine) conteste avec force», a-t-il insisté.

Lors de son vol de retour de la capitale finlandaise, le président américain a pu constater les conséquences de ses égards vis-à-vis de son homologue russe, se retrouvant vertement critiqué jusque par des ténors du parti républicain.

Le sénateur républicain John McCain a ainsi dénoncé «un des pires moments de l'histoire de la présidence américaine».

La vague d'indignation, d'une rare intensité, a conduit M. Trump à assurer qu'il gardait une «IMMENSE confiance» dans ses services de renseignement.

«Toutefois, je dois aussi reconnaître qu'afin de construire un avenir meilleur, nous ne pouvons pas nous tourner exclusivement vers le passé - étant les deux plus grandes puissances nucléaires mondiales, nous devons nous entendre!», a-t-il ajouté sur Twitter.

«Triste jour pour l'Amérique»

Le milliardaire américain, au pouvoir depuis 18 mois, affiche de longue date l'espoir de nouer une relation personnelle avec M. Poutine, un ex-officier du KGB qui dirige la Russie depuis 2000.

Donald Trump doit réaliser que «la Russie n'est pas notre alliée», a lancé le chef de file des républicains au Congrès, Paul Ryan.

Le chef de l'opposition démocrate au Sénat, Chuck Schumer, a lui accusé le président de la première puissance mondiale de s'être montré «irréfléchi, dangereux et faible» face à son homologue russe.

Nancy Pelosi, chef de l'opposition démocrate à la Chambre des représentants, a évoqué «un triste jour pour l'Amérique».

Vladimir Poutine, qui a une nouvelle fois nié toute ingérence, souhaitait-il voir Donald Trump l'emporter face à la démocrate Hillary Clinton?

«Oui», a répondu ce dernier sans détour. Raison avancée? «Il parlait de normalisation des relations russo-américaines.»

L'enquête menée à Washington sur l'interférence russe en faveur de Trump dans la campagne présidentielle de 2016 a été relancée de façon spectaculaire, à trois jours du sommet, par l'inculpation de 12 agents du renseignement russe accusés d'avoir piraté les ordinateurs du parti démocrate.

«Cette enquête est un désastre (...) qui a eu des conséquences négatives sur les relations des deux premières puissances nucléaires du monde», a lancé M. Trump, le président russe à ses côtés. «Nous avons mené une campagne remarquable et c'est la raison pour laquelle je suis président», a-t-il ajouté.

Ballon de soccer

Vladimir Poutine a lui ensuite réclamé, sur la chaîne américaine Fox News, que les relations américano-russes ne soient pas «prises en otages» par cette enquête, manifestation à ses yeux d'une «lutte politique interne aux États-Unis».

Il a ainsi donné raison à Donald Trump qui, peu avant la première poignée de main, avait de manière surprenante de la part d'un président américain attribué dans un tweet les mauvaises relations entre Washington et Moscou à... «des années de stupidité de la part des États-Unis» et à la «chasse aux sorcières» menée selon lui par le FBI qui enquête sur l'ingérence russe.

Désireux de donner une image positive de leur rencontre, les deux dirigeants aux parcours très dissemblables ont insisté sur leur volonté d'aller de l'avant.

«J'espère que nous avons commencé à mieux nous comprendre», a déclaré M. Poutine, évoquant des pourparlers «très réussis et très utiles», tandis que M. Trump louait un dialogue «direct, ouvert et très productif».

Interrogé sur les rumeurs faisant état de dossiers compromettants détenus par Moscou sur Donald Trump, Vladimir Poutine les a écartées d'un revers de manche.

«Il serait difficile d'imaginer une plus grande absurdité! Sortez-vous ces idioties de la tête», a-t-il lancé.

De la Syrie à la Crimée, nombre de diplomates et d'analystes redoutaient que Donald Trump ne fasse une série de concessions à l'homme fort du Kremlin. Mais les deux hommes seront restés avares de détails.

Arrivé à Helsinki en milieu de journée après avoir assisté à Moscou à la victoire de la France en Coupe du monde, M. Poutine a offert un ballon de foot au magnat de l'immobilier, visiblement ravi.

«Maintenant la balle est dans votre camp», s'est amusé Vladimir Poutine, déclenchant les rires de M. Trump qui a promis de l'offrir à son fils Barron, âgé de 12 ans.

Donald Trump comme ses prédécesseurs démocrates et républicains avaient, bien sûr, déjà rencontré Vladimir Poutine. Mais le format de la rencontre, comme son timing, faisaient du face-à-face d'Helsinki un rendez-vous à part.

Le sommet est la dernière étape d'un voyage d'une semaine en Europe au cours de laquelle le magnat de l'immobilier a tiré à boulets rouges sur ses alliés - Allemagne en tête - tout se tenant soigneusement à l'écart de toute critique à l'encontre du président russe.

NYT

Donald Trump a lancé en direction de sa femme le ballon de soccer que lui a offert son homologue russe lors de leur conférence de presse conjointe à Helsinki, lundi.