Les divisions idéologiques et stratégiques du parti républicain sont remontées à la surface cette semaine au Congrès américain, coulant un projet de réforme du système de santé, et fragilisant le début de la présidence de Donald Trump.

« Le parti républicain a beaucoup de lignes de fracture, qui partent dans de multiples directions. Chacune peut provoquer un séisme », explique à l'AFP John Pitney, professeur de politique américaine à l'université Claremont McKenna College.

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« Trump va avoir du mal à gérer ces divisions car il ne les comprend pas. Il faut qu'il comprenne mieux le Congrès et les politiques publiques », prévient le chercheur, qui doute qu'il y parvienne.

Pour la première fois depuis 2006, quand sous la présidence de George W. Bush ils ont perdu la majorité au Congrès, les républicains ont repris en 2017 toutes les rênes du pouvoir américain.

Depuis six ans, sous le démocrate Barack Obama, les républicains contrôlaient le Congrès, mais ils se heurtaient au veto présidentiel. L'alternance inespérée de novembre dernier à la Maison-Blanche représentait une occasion historique d'appliquer toutes les réformes conservatrices qu'ils préparent depuis des années.

« Autrefois, nous n'avions aucune chance de voir promulguées les choses que nous soutenions », soulignait cette semaine Mitch McConnell, homme fort du Sénat. « Et maintenant, nous sommes dans une véritable situation de gouverner ».

Mais l'échec de l'abrogation d'« Obamacare », vendredi, en raison de la défection de républicains modérés et d'ultra conservateur, a rappelé la guerre civile qui a dévoré le parti ces dernières années - à une époque où M. Trump n'était pas encore pleinement impliqué en politique.

Le Tea Party

En 2010, un groupe d'élus républicains relativement novices ont gagné des sièges à la Chambre : le Tea Party était lancé. Focalisés sur l'austérité budgétaire et la réduction du rôle de l'État fédéral, ils ont rapidement pris en otage la majorité républicaine, refusant le moindre compromis avec Barack Obama.

Ont alors suivi plusieurs crises, sur le plafond de la dette et le budget, allant jusqu'à provoquer une fermeture de l'administration fédérale en octobre 2013, et le renversement du président de la Chambre en 2015.

À l'approche des élections de 2016, un semblant d'accalmie a été observé. Mais la victoire de Donald Trump, candidat anti-système, fut un revers pour l'establishment.

Le nouveau président a certes conclu un pacte avec les dirigeants du parti, dont M. McConnell et Paul Ryan, le président de la Chambre, leur confiant de facto le projet législatif de 2017.

Mais le milliardaire a parallèlement rasséréné les ultraconservateurs, qui se retrouvent depuis 2015 au sein du Freedom Caucus. Ses membres (une trentaine à la Chambre, sur 237 républicains) se réclament du milliardaire et ont négocié directement avec lui toute la semaine, au risque de saper l'autorité de Paul Ryan.

« Depuis trois mois, nous essayons d'être un parti de gouvernement, où il nous faut vraiment mettre d'accord 216 personnes », a expliqué le président de la Chambre vendredi. « Nous y arriverons, mais nous n'y sommes pas encore », a-t-il dit, admettant que « c'est une crise de croissance ».

Impôts, infrastructures, budget

La leçon de l'épisode santé est que le bloc des ultraconservateurs, le Freedom Caucus, continue à privilégier la pureté idéologique à la discipline de groupe.

Comment ces parlementaires se comporteront-ils quand Donald Trump leur demandera de financer le budget, avant la fin avril, de relever le plafond de la dette à l'automne, ou de voter pour son grand plan d'investissement dans les infrastructures ? Approuveront-ils la réforme fiscale préparée par Paul Ryan, ou exigeront-ils des concessions supplémentaires ?

« Je ne crois pas que ce soit un prologue à d'autres choses, car nos membres savent que nous avons plus de points d'entente sur d'autres parties de notre projet », a voulu rassurer Paul Ryan.

« C'est complètement différent », a abondé l'un des rebelles, Mo Brooks. « Ne jamais dire jamais, la démocratie c'est compliqué, mais ça finit par marcher », dit un élu texan, Joe Barton.

La prochaine réforme engagée devra donc impérativement réussir, affirme à l'AFP Larry Sabato, directeur du centre politique de l'Université de Virginie. « Ce n'est pas la fin de tout, mais c'est le début de la mise à l'épreuve de Trump », estime-t-il.

« Comme il a eu lui-même la révélation il y a quelques semaines, ces trucs-là sont vraiment compliqués », ironise le politologue.