Donald Trump enchaîne les revers. Neuf semaines après son arrivée au pouvoir, le 45e président américain a vu deux de ses projets phares mis en échec: d'abord la fermeture des frontières aux réfugiés, puis l'abrogation tant promise d'Obamacare, vendredi.

Le milliardaire new-yorkais a été forcé de constater que le plan républicain d'abrogation et de remplacement de la loi sur l'assurance-maladie signée par son prédécesseur, qu'il a activement promu, se dirigeait vers un rejet à la Chambre des représentants. Le texte a été retiré au dernier moment.

«Cela s'est joué à très peu de choses», a déclaré M. Trump dans le Bureau ovale, d'un ton calme et posé. Il s'est dit «déçu» et «un peu surpris», mais a refusé d'accabler les élus républicains, reportant la faute sur la minorité démocrate.

Ce sont pourtant bien les dissensions au sein de la majorité qui ont coulé le projet de réforme, sur le principe duquel les républicains ont continuellement fait campagne depuis sept ans.

Un vote, d'abord prévu jeudi puis repoussé à vendredi, a finalement été annulé face à l'opposition de modérés et de conservateurs.

L'échec de cette priorité législative reflète à la fois la relative désorganisation des chefs républicains, qui ont tardé à dévoiler leur plan, et l'incapacité du président républicain à réconcilier des factions relativement distantes idéologiquement.

«C'est donc cela, l'art des affaires», a raillé le chef de file des sénateurs démocrates, Chuck Schumer, citant le best-seller de l'homme d'affaires, The Art of the Deal. «Je n'ai jamais vu de ma vie une administration aussi incompétente».

«Passer d'un parti d'opposition à un parti de gouvernement peut donner lieu à une crise de croissance», a quant à lui déclaré le président de la Chambre Paul Ryan. «Aujourd'hui, nous ressentons cette crise de croissance».

Le "speaker" a aussi confirmé une évidence: «Obamacare est la loi, et restera la loi tant qu'elle ne sera pas remplacée». Aucun retour de cette réforme emblématique n'est envisagé à court terme.

L'ancienne candidate démocrate Hillary Clinton a quant à elle salué «une victoire pour les 24 millions de personnes qui auraient perdu leur assurance».

Majorité déchirée

Le successeur de Barack Obama avait vigoureusement défendu le plan républicain, dévoilé début mars. Il a parlé directement à pas moins de 120 parlementaires ces derniers jours.

Mais son ultimatum, formulé jeudi, n'a pas permis de forcer la main des élus récalcitrants de son camp.

Sur 237 élus républicains, une grosse trentaine s'étaient déclarés contre le texte, s'ajoutant aux 193 démocrates de l'opposition.

Selon ses détracteurs, M. Trump, focalisé sur l'obtention d'une victoire politique et symbolique, a sous-estimé l'impact réel qu'aurait eu la réforme sur le système de santé, un enchevêtrement d'assurances publiques et privées.

Le texte aurait sabré les aides publiques aux personnes qui n'ont pas d'assurance maladie grâce à leur employeur et doivent financer elles-mêmes leur couverture.

Quelque 24 millions de personnes seraient sorties du système d'assurance maladie d'ici à 2026, selon les prévisions. Les coûts individuels auraient augmenté, et des services essentiels instaurés par Obamacare, tels que les urgences et les soins grossesse, n'auraient plus été obligatoirement couverts. Plusieurs républicains modérés ont donc fait défection.

De l'autre côté du parti, les ultra-conservateurs du "Freedom Caucus" disaient que le plan républicain n'était qu'une version édulcorée d'Obamacare, qu'il conservait trop de réglementations coûteuses et n'aurait pas permis de faire baisser les prix.

Donald Trump avait laissé la rédaction de la réforme à Paul Ryan, le quadragénaire qui préside la Chambre depuis 2015, et que plusieurs médias conservateurs pro-Trump ont commencé à accuser.

Mais les républicains étaient rares à pointer du doigt un fautif -au moins en public.

«Franchement, le président Trump a fait du mieux qu'il pouvait pour essayer de vendre un mauvais produit», estime un républicain qui aurait voté non, Mo Brooks.

«À lui seul, le Freedom Caucus a sauvé Obamacare», a à l'inverse tweeté l'élu modéré Adam Kinzinger, blâmant ses collègues récalcitrants.

M. Trump, lui, a renouvelé sa confiance à Paul Ryan, dont il aura besoin pour engager le deuxième grand chantier législatif de l'année: une grande réforme fiscale et une baisse d'impôts.