Donald Trump dit les avoir vu, de ses yeux vu. Alors que les tours du World Trade Center s'écroulaient, «des milliers et des milliers de personnes applaudissaient» dans les rues de Jersey City, ville du New Jersey située tout juste en face de la pointe sud de Manhattan.

«Des milliers et des milliers de personnes applaudissaient», a répété le candidat républicain à la présidence samedi soir lors d'un rassemblement houleux à Birmingham, en Alabama. «Il se passe quelque chose. Nous devons découvrir ce que c'est.»

D'où la proposition de Donald Trump de surveiller «certaines» mosquées aux États-Unis. Car il ne faut pas se leurrer, selon le milliardaire de New York: les milliers de personnes de Jersey City qui «applaudissaient» le matin du 11 septembre 2001 faisaient bel et bien partie de l'importante communauté musulmane de cette ville.

Le hic, c'est que les scènes de jubilation que Donald Trump a décrites à des milliers de ses partisans d'Alabama ne se sont pas produites. Le journaliste George Stephanopoulos lui en a d'ailleurs fait la remarque lors d'une interview diffusée hier matin sur ABC.

«La police dit que ce n'est pas arrivé et que toutes ces rumeurs circulent sur l'internet depuis un bon moment. Vous êtes-vous mal exprimé hier?

 - C'est arrivé. Je l'ai vu», a juré Donald Trump.

Face à l'incrédulité de son intervieweur, il a ajouté: «Il y avait des gens qui applaudissaient de l'autre côté, au New Jersey, où il y a une importante population arabe. Ils applaudissaient alors que le World Trade Center s'écroulait. Je sais que ce n'est pas politiquement correct de le dire, mais il y avait des gens qui applaudissaient.»

Le plus remarquable n'est peut-être pas que Donald Trump tente d'exploiter la peur des musulmans présente dans certains milieux en racontant de fausses histoires. Le plus remarquable, c'est que cela semble lui profiter. Selon au moins deux sondages publiés hier, le magnat de l'immobilier a renforcé son avance sur tous ses rivaux républicains au cours des derniers jours.

Il faut le reconnaître: les experts continuent sans cesse à sous-estimer la durabilité du phénomène Trump. Au lendemain des attentats de Paris, plusieurs d'entre eux avaient soutenu que le retour du terrorisme comme préoccupation majeure des Américains nuirait à la campagne de l'ancienne star de la téléréalité. Ils n'avaient pas prévu comment les appels à la peur seraient accueillis auprès d'une partie de l'électorat.

Comme plusieurs autres figures républicaines, Donald Trump a d'abord exprimé haut et fort son opposition à l'accueil des réfugiés syriens, les comparant à un «cheval de Troie». Mais il est allé plus loin que d'autres en proposant en outre de fermer des mosquées et en refusant d'écarter l'idée de ficher les musulmans présents aux États-Unis.

Après avoir tenté de se rétracter sur la question du fichier, le candidat de 69 ans a semblé revenir à sa position originale hier matin lors de l'émission This Week d'ABC.

«Non, pas du tout», a-t-il répondu lorsque l'intervieweur lui a demandé s'il écartait catégoriquement l'idée de créer un registre pour les musulmans.

Au cours de la même interview, Donald Trump s'est par ailleurs dit favorable au retour de la torture par simulation de noyade (l'administration Obama a interdit cette méthode d'interrogatoire utilisée par la CIA sous George W. Bush).

«Je pense que la simulation de noyade, c'est deux fois rien par rapport à ce qu'ils nous font subir», a-t-il déclaré en faisant allusion aux décapitations auxquelles se livre le groupe armé État islamique.

«Bassesse fasciste»

En observant Donald Trump au cours des derniers jours, certains commentateurs ont cru bon d'utiliser un mot controversé qui commence par «f».

«Trump est un fasciste. Et ce n'est pas un terme que j'utilise à la légère ou souvent. Mais il le mérite», a écrit sur Twitter l'historien militaire Max Boot, faucon en matière de politique étrangère, en réagissant aux propos tenus par le candidat sur ABC, hier.

«Applaudir quand vos supporteurs blancs attaquent physiquement un manifestant noir non violent lors de votre rassemblement: une nouvelle bassesse fasciste», a pour sa part écrit sur Twitter le journaliste de gauche Glenn Greenwald.

Greenwald faisait référence à la réaction de Donald Trump à une bousculade survenue samedi soir lors de son rassemblement de Birmingham. Quand un manifestant noir a tenté de l'interrompre en chahutant, il a été plaqué au sol par des partisans du candidat, dont certains lui ont donné des coups de poing et de pied, selon un journaliste de CNN.

Sur les ondes de Fox News, hier matin, Donald Trump a nié que le manifestant avait été «malmené».

«Peut-être aurait-il dû être malmené, car ce qu'il faisait était dégoûtant, a-t-il dit. J'ai beaucoup de fans et ils n'étaient pas contents. C'était un type très odieux, un fauteur de troubles.»