Le tabou n'est pas universel. Depuis le 11 septembre 2001, nombre d'Américains ont critiqué la façon dont George W. Bush a géré la menace terroriste avant et après les attaques d'Al-Qaïda contre le World Trade Center et le Pentagone. En 2004, Michael Moore a notamment contribué à lever le silence sur ce sujet avec son documentaire Fahrenheit 9/11.

Mais ce débat était bel et bien interdit au sein du Parti républicain, où le consensus sur le courage et l'efficacité du 43e président face au terrorisme n'a jamais été remis en question. Jusqu'à ce que Donald Trump, étranger aux bonnes manières et à la rectitude politique, décide d'exploiter cette question pour attaquer Jeb Bush, candidat d'un establishment de plus en plus inquiet.

«Quand vous parlez de George Bush, vous pouvez dire ce que vous voulez, mais le World Trade Center s'est écroulé durant son [mandat]», a déclaré le meneur de la course à l'investiture républicaine pour la présidence, vendredi dernier, lors d'une interview à la journaliste Stephanie Ruhle, de Bloomberg.

«Attendez, vous ne pouvez pas tenir George Bush responsable de ça», a interjeté la journaliste.

Et Donald Trump de lui répondre: «Il était président, OK? Tenez-le responsable, ne le tenez pas responsable, il était président. Le World Trade Center s'est effondré durant son règne.»

Ces propos ont déclenché une série d'attaques et de contre-attaques étonnantes entre Donald Trump et Jeb Bush, par l'entremise de Twitter, de la télévision et de divers sites internet.

«Pitoyable de la part de [Donald Trump] de blâmer le président pour le 11-Septembre. Nous avons été attaqués et mon frère nous a gardés en sécurité», a écrit l'ancien gouverneur de Floride sur Twitter.

Dans sa première réplique, également publiée sur Twitter, Donald Trump a fait allusion à une déclaration que Jeb Bush lui avait lancée lors du premier débat télévisé des primaires républicaines: «Au débat, vous avez dit que votre frère nous a gardés en sécurité - je voulais être gentil et je n'ai pas mentionné que le WTC s'est effondré sous sa surveillance.»

Et d'enchaîner: «Non, Jeb Bush, vous êtes pitoyable d'avoir dit que rien n'est arrivé durant le mandat de votre frère, alors que le WTC a été attaqué et s'est écroulé.»

Mais pourquoi Donald Trump et Jeb Bush se livrent-ils à un tel débat?

Kyle Kondik, réacteur en chef de la Sabato Crystall Ball, le bulletin du Centre d'études politiques de l'Université de Virginie, offre cette réponse à La Presse: «Trump aime provoquer ses rivaux, et particulièrement Bush, et il semble avoir réussi à l'énerver avec cette attaque. La controverse permet aussi à Trump de continuer à faire parler de lui, ce en quoi il excelle. De leur côté, Bush et d'autres républicains ont soutenu que Trump n'était pas un vrai conservateur et qu'il est peut-être même plus démocrate que républicain. Cette attaque contre George W. Bush fait penser à ce qu'un démocrate pourrait dire.»

Et c'est exactement ce que Jeb Bush a fait valoir hier dans une tribune publiée sur le site de la National Review: «Que Trump fasse écho aux attaques de Michael Moore et de la gauche radicale contre mon frère est un autre exemple de ses opinions dangereuses sur les questions de sécurité nationale.»

Les deux candidats devraient revenir sur le 11-Septembre à l'occasion du prochain débat républicain, prévu mercredi prochain à Boulder (Colorado). Trump posera peut-être de nouveau à Bush cette question publiée cette semaine sur Twitter: «Pourquoi votre frère a-t-il déstabilisé le Moyen-Orient en attaquant l'Irak quand il n'y avait pas d'armes de destruction massive?»

En attendant, il a invité lundi les quelque 4,6 millions d'abonnés de son compte Twitter à lire un texte d'opinion signé par l'ex-journaliste du New York Times Kurt Eichenwald, qui reprochait à l'administration Bush d'avoir fermé les yeux sur les nombreux indices d'une attaque majeure d'Al-Qaïda contre les États-Unis.

Parmi ces indices figurait la fameuse note de la CIA remise à George Bush le 6 août 2001 et intitulée: «Ben Laden déterminé à frapper aux États-Unis». Michael Moore ne doit en croire ni ses yeux ni ses oreilles.