Les Américains attendent avec ferveur le pape François qui devrait pourtant les bousculer lors de son premier déplacement aux États-Unis, du 22 au 27 septembre, par ses appels à accueillir les migrants ou à lutter contre la pauvreté et le changement climatique.

Le pape argentin, âgé de 78 ans, «va secouer toutes sortes d'Américains» car il vient au pays du capitalisme roi avec le message que «les chrétiens doivent réconforter les plus faibles et affaiblir les plus riches», explique le rédacteur-en-chef jésuite d'America Magazine, James Martin.

Son discours devant les élus du Congrès le 24 septembre est à cet égard très attendu car les Américains «ont du mal à le comprendre», note Massimo Faggioli, historien à la faculté de théologie de l'université Saint Thomas, dans le Minnesota.

Son encyclique «Laudato si» sur l'environnement et contre le gaspillage est une «puissante accusation d'un système économique qui est en fait la manière de vivre des Américains», affirme-t-il.

«Je ne vais pas à la messe pour entendre parler économie ou politique», avait lancé le candidat républicain Jeb Bush lors de la publication en juin du document papal, qui avait hérissé aussi le poil des «climato-sceptiques» américains.

Et des catholiques aussi: seuls 29% considèrent que lutter contre le changement climatique est essentiel à leur identité religieuse, selon l'institut Pew.

Et quand le pape dénonce en Bolivie le «capital idole» et vient aux États-Unis où «les disparités de revenus sont un scandale», «beaucoup de capitalistes américains voient cela comme une condamnation et ne peuvent pas l'entendre», ajoute M. Martin.

Sur les migrants, un des grands sujets de la campagne présidentielle américaine, le pape pourrait lancer un message fort et heurter les républicains opposés à la réforme de l'immigration ou qui «ont tendance à se rapprocher» du turbulent candidat à la Maison-Blanche Donald Trump, dont les propos violents contre les immigrés mexicains font polémique, note M. Faggioli.

Mais l'Église américaine, dont près de la moitié des fidèles sont hispaniques, sera sur ce dossier en phase avec le pape, car depuis longtemps très active dans l'accueil des migrants. Le pape a remercié d'ailleurs les religieuses américaines, critiquées par le Vatican pour leur radicalisme, pour leur travail «magnifique» auprès des migrants notamment.

Le message du souverain pontife aura en revanche du mal à passer au sein du clergé américain sur les questions de morale sexuelle.

L'Eglise américaine a déjà été secouée par de nombreux scandales de pédophilie, qui lui ont valu le limogeage de deux évêques par le pape en juin dernier, geste inédit du Vatican contre ce fléau.

«Guerre culturelle»

Et quand le pape François parle de sexualité ou de simplification des procédures pour faciliter la nullité de certains mariages, «les évêques américains pensent qu'il ne sait pas ce qu'il fait», estime l'universitaire.

Il «renverse complètement leurs politiques de ces trente dernières années» de «guerre culturelle contre la modernité».

Reste à savoir si le pape ira jusqu'à répondre aux demandes des fidèles, qui semblent plus progressistes que leurs évêques et réclament une «approche plus souple» de leur Eglise sur la contraception, les divorcés-remariés et les couples homosexuels, selon Pew.

Les catholiques américains ont aussi une vision moins traditionnelle de la famille, qui sera au centre de la visite du pape à Philadelphie à la fin de son voyage: quelque 66% considèrent qu'un couple homosexuel peut élever des enfants, dont 43% aussi bien que les autres parents.

Le pape «n'est pas en guerre culturelle, il croit au dialogue et à une Église attractive», explique M. Faggioli.

Il «suit la tradition de l'église catholique sur des sujets comme l'avortement, le mariage gay et même la contraception mais il a radicalement détourné l'attention de l'église catholique sur la morale sexuelle pour la porter sur la morale de l'argent», résume Paul Vallely, auteur une récente biographie du pape, dans Politico.

Si bien que le pape risque d'être «plus prudent qu'il ne l'a été en Amérique latine», prédit M. Faggioli. Mais il pourrait aussi surprendre. Par son goût de l'inattendu, il a «une capacité à déranger beaucoup plus grande que ses prédécesseurs Jean Paul II et Benoît XVI», estime le père Martin.

En dépit des incompréhensions, deux-tiers des Américains apprécient le pape et les billets se sont arrachés pour assister à sa dernière messe à Philadelphie.

Les religieuses frondeuses de la LCWR, qui s'étaient querellées --puis réconciliées-- avec le Vatican, se disent «enchantées» de sa venue. Il «impressionne» jusqu'au président anglican Barack Obama qui l'accueillera en personne à son arrivée.