Le Congrès a accordé une victoire à Barack Obama mercredi en lui votant des pouvoirs accrus pour conclure des accords commerciaux avec la région Asie-Pacifique et l'Union européenne, malgré l'opposition de la gauche américaine.

Une fois n'est pas coutume, le président démocrate compte sur la majorité républicaine pour concrétiser la priorité économique de la fin de son mandat: créer une zone de libre-échange entre 12 pays d'un bout à l'autre du Pacifique, des États unis au Japon en passant par le Chili et l'Australie, afin d'ouvrir de nouveaux marchés aux exportateurs américains. L'accord s'appelle le partenariat transpacifique (TPP).

«Nous devons montrer notre soutien aux travailleurs américains en abattant les barrières commerciales étrangères inéquitables qui discriminent les produits ''Made in America''», a fait valoir l'homme fort du Sénat, le républicain Mitch McConnell.

Le parti démocrate s'est rebellé, inquiet d'une réédition de l'accord commercial Nafta, signé par Bill Clinton avec le Mexique et le Canada, et qui a coûté selon eux des centaines de milliers d'emplois américains, concurrencés par la main d'oeuvre mexicaine à bas coût.

Le camp protectionniste a organisé la résistance, mobilisant syndicats et associations écologistes, sociales, humanitaires. Tous craignent que le futur TPP n'ouvre la voie à une remise en cause des politiques publiques et un nivellement par le bas des normes environnementales ou sociales entre des pays aussi divers que les États-Unis et le Vietnam.

Le système d'arbitrage envisagé pour régler les litiges entre États et multinationales est d'ailleurs l'un des points d'achoppement des négociations entre Washington et Bruxelles sur le futur accord transatlantique TTIP.

Le Congrès ne s'est prononcé sur aucun de ces futurs accords, qui restent confidentiels et en cours de négociation.

Mais le Sénat a suivi la Chambre des représentants et adopté mercredi une loi capitale, créant un mécanisme accéléré d'approbation des futurs accords commerciaux conclus par l'exécutif.

Ce mécanisme, valable jusqu'en 2021, crée une voie rapide pour l'examen par le Congrès de tels accords, non seulement le TPP, mais ceux qui suivront, dont celui avec l'UE. Les élus auront à approuver ou rejeter les accords de libre-échange, mais ils ne pourront pas les modifier. À prendre ou à laisser.

Une telle procédure accélérée est habituelle, tous les présidents américains depuis 40 ans en ayant bénéficié, et permettra à Barack Obama de garantir à ses partenaires que le texte ne sera pas dépecé par le Congrès.

Satisfait des entreprises

«Avec NAFTA, on nous avait promis 200 000 emplois en deux ans. Merci, président Bush 1, et merci président Clinton, nous avons perdu 680 000 emplois net», a dénoncé le sénateur démocrate Sherrod Brown, citant une étude de l'Economic Policy Institute. «Davantage d'Américains vont perdre leurs emplois», a déploré sa collègue Barbara Mikulski.

Barack Obama cite aussi NAFTA, mais comme un contre-exemple. Il souligne qu'avec la nouvelle procédure accélérée, le Congrès fixe quelque 150 objectifs de négociation, comme sur la propriété intellectuelle, et améliore la transparence d'un processus très opaque: l'administration devra publier les accords pendant 60 jours avant tout vote.

Comme Bill Clinton promettait en 1993 que NAFTA créerait «un nouvel ordre économique mondial», le président Obama martèle qu'avec le TPP, ce seront les États-Unis et leurs alliés qui écriront les règles du commerce mondial, contrecarrant l'influence de la Chine.

«Nos dirigeants à Washington ont prouvé qu'ils étaient capables de faire taire les populistes et les démagogues à gauche et à droite», a salué Thomas Donohue, président de la Chambre de commerce américaine, grande organisation patronale. Le secteur de l'habillement a relevé que le TPP lui permettrait d'importer des matières premières sans droits de douane, et de nombreuses autres fédérations, notamment des nouvelles technologies, se sont réjouies.

Les 12 pays du TPP sont: Australie, Brunei, Canada, Chili, États-Unis, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour et Vietnam.

Le débat sur les mérites du libre-échange ne s'arrêtera pas mercredi soir et devrait agiter la campagne électorale pour la présidentielle de novembre 2016, en tout cas chez les démocrates.

Pressée sur sa gauche, la favorite des primaires Hillary Clinton a fini par sous-entendre qu'elle aurait voté contre la procédure accélérée. Mais sans se prononcer sur le partenariat transpacifique... qu'elle défendit autrefois sans état d'âme en tant que secrétaire d'État.