Le président Barack Obama part en guerre contre la résistance microbienne aux antibiotiques, une menace grandissante pour la santé publique, et va demander un doublement des fonds fédéraux afin de financer la recherche de nouveaux antibactériens.

L'enveloppe que le président va demander au Congrès en soumettant son projet de budget 2016 début février dépasse 1,2 milliard de dollars, précise un document de la Maison-Blanche publié mardi.

Deux millions de personnes par an contractent une infection résistante aux antibiotiques aux États-Unis et 23 000 en meurent, souligne-t-elle, notant que le coût économique direct de ce problème se chiffre à au moins 20 milliards de dollars par an.

Cet accroissement budgétaire devrait «améliorer l'usage des antibiotiques, renforcer l'évaluation du risque de résistance microbienne, la surveillance sanitaire, et stimuler la recherche dans la santé et les secteurs agricoles», explique la présidence.

La majeure partie de cette enveloppe, 650 millions de dollars, irait aux Instituts nationaux de la santé (NIH) et à l'autorité de recherche biomédicale avancée et de développement (BARDA) pour accroître fortement les investissements américains dans le développement de nouveaux antibactériens et des tests de diagnostic rapide, a poursuivi le document.

Innovation

La Maison-Blanche souligne que des chercheurs financés par les NIH ont récemment mis au point une nouvelle technique permettant d'extraire de puissants antimicrobiens à partir de microorganismes se trouvant dans le sol comme la teixobactine.

Il s'agit du premier nouvel antibiotique découvert en plus de 25 ans et cette augmentation du budget fédéral permettra de soutenir ce type d'innovation.

Plus de 280 millions de dollars seraient par ailleurs destinés aux Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) pour renforcer le contrôle de l'usage des antibiotiques, la surveillance des épidémies et des cas de résistance microbienne.

Le président Obama prévoit aussi 47 millions de dollars pour l'Agence des médicaments (FDA) afin qu'elle évalue les nouveaux antibiotiques destinés aux malades et ceux utilisés dans l'élevage.

Cette dernière initiative présidentielle intervient après la signature par M. Obama d'un décret en septembre 2014 pour muscler les efforts contre la résistance microbienne.

La Maison-Blanche a ainsi mis en place un groupe de travail réunissant les ministères de la Santé, de la Défense et de l'Agriculture chargé de soumettre au président d'ici février 2015 un plan d'action sur cinq ans pour s'attaquer à ce problème sanitaire grave.

Il a également créé un groupe consultatif d'experts indépendants pour déterminer les moyens de faire avancer la recherche et la surveillance sanitaire.

«Moyen-Âge de la médecine»

Les virologues et les autorités sanitaires américaines et dans le reste du monde mettent de plus en plus en garde contre le danger de cette résistance microbienne grandissante qui, si elle continue au rythme actuel, pourrait laisser impuissant la médecine face à des infections banales pour renvoyer le monde «au Moyen-Âge de la médecine».

«Si nous continuons sur cette pente avec de plus en plus de microbes résistants aux antibiotiques, on pourrait un jour faire face à une situation où il y a des infections contre lesquelles on n'a pas de traitement», a prévenu le Dr Anthony Fauci, directeur de l'Institut américain des allergies et des maladies infectieuses (NIAID).

Cette lutte «est une priorité à la fois de santé publique et de sécurité nationale», écrit-il sur le site internet de l'Institut.

La situation est attribuée à une consommation excessive et inappropriée d'antibiotiques ainsi que l'usage de ces médicaments dans l'élevage pour doper la croissance du bétail.

Selon un rapport de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en avril 2014, la résistance existe pour de nombreux agents infectieux, mais plus particulièrement aux antibiotiques contre sept bactéries responsables de maladies graves courantes comme les septicémies, les diarrhées, les pneumonies, les infections des voies urinaires et la gonorrhée.

L'OMS prépare un plan d'action au niveau mondial contre la résistance microbienne qu'elle doit soumettre à l'Assemblée mondiale de la Santé en 2015.

Selon les conclusions récentes d'une commission d'experts réunie par le gouvernement britannique cette résistance aux antibiotiques pourrait provoquer dix millions de morts par an dans le monde en 2050.