Le Congrès américain a évité in extremis jeudi une nouvelle paralysie des administrations fédérales, à l'issue d'un débat qui a vu une partie des démocrates se rebeller contre le président Barack Obama.

Alors que l'État fédéral n'était financé que jusqu'à jeudi minuit, la Chambre des représentants a adopté peu avant 22h00 locales une loi valable jusqu'en septembre 2015. Le Sénat a jusqu'à samedi pour voter le texte en dernière lecture.

Mais le suspense a régné jusqu'aux dernières minutes du vote nocturne (219 voix contre 206), en raison de l'opposition du groupe démocrate, scandalisée par une mesure de déréglementation financière insérée subrepticement dans la gigantesque loi de finances.

En vertu de la grande réforme financière Dodd-Frank de 2010, les banques sont aujourd'hui forcées de séparer certaines de leurs transactions sur les produits dérivés (notamment les «credit default swaps», CDS) dans des entités distinctes, non assurées par l'institution qui assure les banques commerciales, la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC). C'est cette réglementation que l'article abroge, au bénéfice du secteur bancaire qui a publiquement soutenu l'initiative.

«Nous n'allons pas voter pour une loi qui donne toute la boutique aux plus grandes banques américaines!», avait lancé la démocrate Maxine Waters.

La chef de la minorité démocrate, Nancy Pelosi, s'est dite «atterrée» et a voté contre, malgré un lobbying forcené de la Maison-Blanche.

Barack Obama lui-même a décroché son téléphone pour tenter de convaincre les démocrates que la loi était le meilleur compromis possible à ce stade. Il a dépêché son bras droit, Denis McDonough, au Capitole pour une confrontation tumultueuse avec le groupe démocrate dans la soirée. Au total, 139 démocrates ont voté contre, soit deux sur trois.

Un autre article controversé a suscité leur opposition. Il augmente de façon substantielle le plafond par cycle électoral des dons individuels aux partis politiques, une nouvelle étape de la déréglementation du financement électoral.

Barack Obama promulguera la loi de finances ainsi amendée, a annoncé la Maison-Blanche.

Guerre, Ebola, cannabis

Malgré ce dénouement tendu, le Congrès semble avoir tourné la page des confrontations du type de celle qui avait conduit à la fermeture partielle des administrations fédérales pendant 16 jours, en octobre 2013. Dès le début des négociations cette année, les chefs parlementaires s'étaient engagés à ne plus provoquer de crise budgétaire.

À droite, la seule concession majeure aux conservateurs du Tea Party concerne l'immigration. Le département de la Sécurité intérieure, dont dépendent les services d'immigration, ne sera financé que jusqu'au 27 février 2015. À cette date, les républicains seront majoritaires dans les deux chambres du Congrès, grâce à leur victoire aux élections législatives de novembre, et ils ont l'intention de voter des crédits empêchant Barack Obama d'appliquer son plan de régularisations provisoires de sans-papiers, annoncé le 20 novembre.

Au total la loi, d'un montant de 1014 milliards de dollars, finance la quasi-totalité du budget fédéral, de l'Agriculture à la Défense, jusqu'au 30 septembre 2015, notamment:

- Défense: 554 milliards de dollars, dont cinq milliards pour financer la guerre contre l'organisation État islamique, notamment l'équipement et l'entraînement des forces irakiennes et kurdes, ainsi que des rebelles syriens modérés;

- Affaires étrangères: 49,3 milliards, dont 5,4 milliards pour la sécurité des ambassades américaines;

- Lutte contre Ebola: 5,4 milliards, notamment pour la recherche, le développement d'un vaccin, l'intervention en Afrique de l'Ouest et les préparatifs aux États-Unis.

C'est aussi cette loi qui maintient l'interdiction de transférer aux États-Unis les détenus de la prison de Guantanamo, sur l'île de Cuba.

Et le Congrès, en vertu de son droit de veto sur les affaires de la capitale fédérale, empêchera la ville de Washington de légaliser le cannabis, alors qu'un référendum local l'a approuvé en novembre.