Attaqué pour «abus de pouvoir» et menacé d'une inhabituelle procédure judiciaire par le Congrès, le président américain Barack Obama défie ses adversaires républicains et promet d'agir par décret dans des dossiers brûlants comme la régularisation de sans-papiers.

Loin de tomber dans l'inertie traditionnelle des seconds mandats présidentiels, Barack Obama s'est transformé en président impérial assoiffé de pouvoir. Il piétine la Constitution et ignore les prérogatives du Congrès. Du moins est-ce là le refrain des républicains, furieux de voir le président user de son pouvoir exécutif pour contourner leur obstruction parlementaire.

La tension entre pouvoirs législatif et exécutif est telle à Washington que le président de la Chambre des représentants, le républicain John Boehner, a annoncé que la Chambre lancerait bientôt une procédure judiciaire contre Barack Obama, pour abus de pouvoir.

Pour les démocrates, la plainte n'est qu'un coup de pub, utile avant les législatives de novembre. Et la validité juridique d'une telle procédure est douteuse, écartant tout risque pour le président dans les deux ans et demi qui lui restent à la Maison-Blanche.

Mais les chefs d'accusation s'accumulent : le président a changé de lui-même les dates d'entrée en vigueur de plusieurs volets de sa grande réforme du système de santé; il est allé trop loin en renforçant les réglementations anti-carbone ou en régularisant temporairement des centaines de milliers de jeunes sans-papiers depuis 2012; il n'a pas non plus informé le Congrès en avance de l'échange récent de prisonniers talibans contre un soldat américain.

Ultime preuve à charge : la Cour suprême, la semaine dernière, a unanimement jugé que le président avait enfreint la Constitution en nommant plusieurs membres d'une commission gouvernementale importante, le Bureau national du Travail (NLRB), sans demander l'aval du Sénat.

Le chef de la minorité républicaine du Sénat, Mitch McConnell, estime que l'administration n'obéit «qu'aux lois qu'elle aime». Ses collègues, à travers tout le pays, parlent de Barack Obama comme d'un nouveau «roi», un argument qui touche une corde sensible chez les sympathisants du Tea Party, la mouvance ultraconservatrice, favorable à une réduction des pouvoirs de l'État fédéral.

John Boehner l'a dit directement au président en marge d'une réception bon enfant en l'honneur de golfeurs à la Maison-Blanche, la semaine dernière. Les Américains «ne lui font pas confiance pour appliquer les lois telles qu'elles sont écrites», lui a-t-il dit, selon son porte-parole. Résultat : la Chambre ne votera pas de réforme du système d'immigration, la priorité de Barack Obama, cette année.

«Portez plainte!»

Mais Barack Obama ne se laisse pas intimider. Au contraire, les attaques républicaines ont comme donné un nouveau souffle à une administration qui semblait usée et maussade.

«La classe moyenne américaine ne peut pas attendre que les républicains du Congrès fassent des choses. Alors, allez-y, portez plainte», a lancé le président. «Tant qu'ils ne font rien, je ne vais pas m'excuser de faire quelque chose».

Le président a demandé à ses ministres de formuler de nouvelles propositions pour agir dans les prochains mois.

Certains experts du droit estiment que Barack Obama est à la limite de la constitutionnalité, mais selon George Edwards, l'un des meilleurs experts du pouvoir présidentiel, de telles luttes de pouvoir sont fréquentes lorsque la Maison-Blanche et l'une ou les deux chambres du Congrès sont aux mains du parti adverse.

«Au fond, je ne pense pas qu'il s'agisse d'une crise de la séparation des pouvoirs, mais il est évident que les tensions sont fortes», relève George Edwards, professeur à l'Université Texas A & M. «Dans ce cas, je ne vois pas d'abus importants».

Bien que Barack Obama trouve dans cette stratégie un regain d'énergie, il est peu probable qu'elle dope durablement sa cote de popularité et aide le parti démocrate aux prochaines élections.

Sa cote est à un niveau historiquement bas, autour de 40 % d'opinions favorables. Selon une enquête de l'institut de l'Université Quinnipiac, les électeurs le boudent sur tous les fronts : l'économie, le système de santé, la politique étrangère.

Le président admet en fin de compte que ses décisions administratives ne changeront pas la société américaine, notamment sur l'immigration.

«Quoi que nous fassions administrativement, cela ne suffira pas à réparer un système d'immigration qui ne marche plus», a-t-il dit.