L'une des photos les plus marquantes de la présidence de George W. Bush le montre l'air ahuri après avoir été informé qu'un avion venait de percuter la tour sud du World Trade Center, le 11 septembre 2001.

Beaucoup y ont vu le visage d'un homme dépassé par les événements de ce jour-là. L'image était d'autant plus forte qu'elle avait été captée dans une école élémentaire de Floride où le 43e président lisait un livre pour enfants, My Pet Goat, à une quinzaine d'écoliers.

Or, sous Barack Obama, une telle image ne serait peut-être pas publiée. Car la Maison-Blanche exerce un contrôle «orwellien» sur l'image du président, selon Santiago Lyon, directeur de la photographie de l'Associated Press, qui a signé jeudi une tribune à ce sujet dans le New York Times.

Au lendemain de la controverse surfaite autour du selfie des Barack Obama et cie à Soweto, ce vétéran du photojournalisme accuse l'administration du 44e président de «tenter systématiquement de contourner les médias en diffusant une documentation visuelle édulcorée de ses activités par le truchement de photos et de vidéos officielles, aux dépens de l'accès journalistique indépendant».

Santiago Lyon reprenait ainsi les doléances présentées le mois dernier par 38 médias accrédités à la Maison-Blanche dans une lettre adressée au porte-parole de la présidence, Jay Carney.

«Les journalistes se voient régulièrement interdire de photographier ou filmer le président dans l'exercice de ses fonctions officielles», se plaignaient ces médias dans leur lettre.

Ils rappelaient que la Maison-Blanche a l'habitude de justifier cette pratique en arguant du caractère privé de ces événements. Or, des photos de ces activités se retrouvent souvent sur les réseaux sociaux, dont le site de partage d'images Flickr, signées par Pete Souza ou un des autres photographes officiels de la présidence.

Ce scénario s'est répété cette semaine pendant le voyage de Barack Obama vers l'Afrique du Sud. Souza a pris des photos du président et de ses invités sur l'avion présidentiel Air Force One, dont George W. Bush, l'épouse de celui-ci et Hillary Clinton, et les a diffusées sur le site officiel de la Maison-Blanche et ses comptes sur des réseaux sociaux.

Pendant ce temps, quatre photographes indépendants se morfondaient à l'arrière de l'avion, n'ayant pas été conviés à immortaliser la scène.

La Maison-Blanche se défend de trahir les principes d'ouverture et de transparence défendus par Barack Obama en campagne électorale.

«Ma réponse à cela est que je rejette complètement ces affirmations», a déclaré Jay Carney jeudi.

Mike Davis, titulaire de la chaire Alexia Tsairis pour la photographie documentaire à l'Université de Syracuse, comprend cependant le refus des médias comme l'Associated Press de publier les photos fournies par la Maison-Blanche, qui sont perçues par plusieurs photographes indépendants comme de la «propagande visuelle».

«Les images comme telles ne sont pas de la propagande. C'est leur utilisation et leur diffusion qui relèvent de la propagande», dit à La Presse ce vétéran du photojournalisme qui a été directeur adjoint de la photographie à la Maison-Blanche sous George W. Bush.

«Ayant examiné un million de photographies quand j'étais à la Maison-Blanche, je sais que le travail des photographes officiels est probablement plus fidèle à la réalité que ce que les médias indépendants arriveraient à faire, peu importe leur accès.»

Cela dit, Mike Davis comprend la frustration des photographes.

«J'ai travaillé pour l'administration Bush, et ils recevaient une tonne de critiques concernant le peu d'accès offert aux photographes, dit-il. Et je dois conclure des nombreuses conversations que j'ai eues avec des photographes qu'il y a aujourd'hui encore moins d'accès que durant les années Bush.»