Barack Obama change son fusil d'épaule pour obtenir gain de cause à Washington, où le dossier brûlant du budget lui a valu récemment un échec cuisant: il tente désormais de séduire ses adversaires républicains du Congrès, qu'il accusait jusque-là d'obstruction systématique.

Durant ses quatre premières années à la Maison-Blanche, Barack Obama s'est peu montré dans les déjeuners et les soirées en ville. Mais pour enterrer la hache de guerre, il a commencé par inviter à dîner mercredi 12 sénateurs du camp adverse, dont John McCain et Lindsey Graham, dans un hôtel chic de la ville.

Dès le lendemain, Obama a partagé un déjeuner à la Maison-Blanche avec Paul Ryan, influent élu républicain de la Chambre. Ancien candidat à la vice-présidence sur le ticket formé avec Mitt Romney, Paul Ryan planche sur des propositions pour s'attaquer à la dette des États-Unis.

Et la semaine prochaine, dans une rare visite au Congrès, le président rencontrera les républicains des deux chambres - ceux-ci sont majoritaires à la Chambre des représentants.

Cette main tendue par Obama contraste vivement avec la stratégie adoptée depuis sa réélection en novembre: prendre l'opinion publique à témoin en dénonçant la rigidité des républicains ou en les accusant de ne défendre que les plus riches.

Mais cette approche n'a pas permis d'éviter des coupes automatiques de 85 milliards de dollars entrées en vigueur vendredi, faute d'accord bipartite sur le budget américain.

«La façon normale de faire les choses»

«Nous ne sommes pas naïfs sur les défis qui sont devant nous: ils existent et il y a des différences» entre les deux camps, a reconnu jeudi le porte-parole de la Maison-Blanche, Jay Carney.

Le geste était visiblement plus qu'attendu par les républicains. Le chef de la majorité à la Chambre, John Boehner, a ironiquement noté qu'Obama avait fait un mouvement de «180 degrés» depuis la semaine dernière.

«C'est un signe, un signe d'espoir, et j'espère que quelque chose sortira de cela. Mais si le président continue d'insister sur les hausses d'impôts, je ne pense pas que nous progresserons beaucoup», a ajouté l'élu, un des principaux interlocuteurs d'Obama sur le budget.

La Maison-Blanche veut croire en la volonté de certains élus de trouver un compromis, depuis que Lindsey Graham s'est dit récemment prêt à entériner 600 milliards de dollars de hausse des recettes fiscales en échange d'une réforme des programmes sociaux.

La présidence compte au final sur ces élus plus modérés pour influencer leurs collègues du Congrès. Obama «espère que les républicains au Sénat pourront servir en quelque sorte de leaders d'opinion pour défendre une nouvelle façon de relever les défis fiscaux», explique Stephen Smith, professeur à l'Université Washington de St Louis (Missouri).

Le budget et la dette ont cristallisé ces derniers temps des désaccords profonds sur les hausses d'impôts, réclamés par les partisans d'Obama, et la baisse des dépenses, cheval de bataille des conservateurs.

La route est donc encore longue vers un éventuel compromis et cette nouvelle stratégie d'Obama n'est en aucun cas une garantie de succès. «Où tout cela nous mène, je n'en sais rien», a admis Lindsey Graham, après avoir récemment rencontré le président à la Maison-Blanche.

«Je crois en ce que le président a fait ces derniers temps», a-t-il cependant reconnu. «Arrêter de faire campagne pour revenir à la façon normale de faire les choses ici, c'est-à-dire parler les uns avec les autres».

Obama mise désormais sur une période de plusieurs mois pour parvenir à un accord de paix, qui pourrait l'aider, par ricochet, sur les réformes promises en matière d'immigration et de régulation des armes à feu.

Mais avec les élections de mi-mandat à l'horizon 2014, sa marge de manoeuvre est limitée.