A Guantanamo, la moindre des conversations, même chuchotée, entre les accusés du 11-Septembre et leurs avocats peut être suivie par le gouvernement, ont expliqué mardi des témoins, confirmant la présence de micros partout, jusque dans des détecteurs de fumée.

Dans la salle du tribunal ultra-moderne, 32 micros pouvaient, jusqu'à ce qu'ils soient modifiés lundi à la demande du juge, saisir les échanges en aparté entre les accusés et leurs conseils, a indiqué le directeur de la technologie de la salle d'audience, Maurice Elkins, au deuxième jour d'une audience préliminaire retransmise sur la base militaire de Fort Meade (Maryland, est).

« Ces microphones très sensibles peuvent saisir la moindre de nos conversations depuis différents endroits (du tribunal), n'est-ce-pas? », a demandé David Nevin, l'avocat du cerveau du 11-Septembre, Khaled Cheikh Mohammed, sous le regard médusé de son client, portant une longue barbe rousse et une veste de camouflage.

Peu après, le capitaine Thomas Welsh, avocat du gouvernement à la prison de Guantanamo, a confirmé avoir vu, le 31 janvier, des micros ressemblant à un détecteur de fumée dans un bureau où les avocats rencontrent leurs clients en privé au camp Echo 2.

En présence de trois des cinq accusés, les témoins étaient appelés à la barre alors que les avocats s'inquiètent de la confidentialité de leurs conversations avec leurs clients.

Les avocats ont demandé que cette question soit examinée en urgence après un coup de théâtre survenu le 28 janvier, quand le juge a révélé qu'une agence gouvernementale du renseignement écoutait les débats de l'extérieur et pouvait les censurer le cas échéant.

Deux circuits audio distincts

Mais trois micros restent activés en permanence. Et David Nevin a fait la démonstration, en chuchotant, que ce qu'il disait pouvait quand même être entendu.

M. Elkins a expliqué que deux circuits audio distincts sortaient de la salle d'audience: le premier « filtré » destiné aux journalistes et aux familles des victimes avec un différé de 40 secondes, permettant une censure. Le deuxième « non filtré » et captant tous les chuchotements, parvenant à la personne chargée des retranscriptions, aux interprètes mais aussi à l'agence gouvernementale écoutant l'audience.

Le procureur Clayton Trivett a fait une « analogie » avec le brouhaha souvent inaudible dans un restaurant, s'attachant à montrer que les propos ne sont compréhensibles que lorsqu'ils sont isolés. Il a dans la foulée assuré que le gouvernement n'avait ni la capacité d'isoler ces conversations, ni de les enregistrer ni d'en amplifier le son.

Quant aux micros détecteurs de fumée, le procureur Trivett a affirmé qu'« il n'y avait eu aucune tentative de les cacher ». A l'exception du FBI, il n'a pas été précisé quelle agence de renseignement était présente à Guantanamo.

Le capitaine Welsh a souligné que ses supérieurs lui avaient affirmé que « les rencontres avocats-clients n'étaient pas surveillées » ni « écoutées », après avoir lui-même constaté, en janvier 2012, qu'une réunion avec un accusé de Guantanamo était écoutée, puis après sa découverte toute récente des micros dans le détecteur de fumée.

Le capitaine Welsh a admis que le courrier des accusés avec leurs défenseurs était contrôlé régulièrement par sécurité mais a indiqué « ne pas être au courant » qu'il l'avait été à nouveau lundi.

Interrogé par vidéo-conférence à la fin de l'audience de mardi, qui s'est achevée en fin d'après-midi, le lieutenant-colonel Ramon Torres, chargé pendant un an de contrôler le courrier des détenus de grande valeur, avant d'être licencié, a admis qu'il était « préoccupé que cette conduite soit perçue comme non éthique ».