Après une décennie de croissance, les beaux jours budgétaires de l'armée américaine touchent à leur fin, mais les responsables du Pentagone veulent à tout prix éviter les coupes drastiques et se sont lancés jeudi dans une offensive pour les prévenir.

Au cours de sa première conférence de presse depuis sa prise de fonction début juillet, le secrétaire à la Défense Leon Panetta s'est dit jeudi «particulièrement inquiet», tout comme le plus haut gradé américain, l'amiral Mike Mullen.

Le plan de réduction du déficit américain, qui accompagne l'accord sur le relèvement du plafond de la dette conclu mardi, égratigne de près de 350 milliards de dollars sur 10 ans le budget du Pentagone.

Ce budget, qui a doublé depuis 2001, devrait s'établir à 671 milliards en 2012, dont 118 pour les opérations en Irak et en Afghanistan. Il représente environ 40% des dépenses militaires mondiales.

Ces coupes sont «globalement en ligne» avec ce à quoi s'attendait le Pentagone, qui planchait déjà sur des économies de 400 milliards sur 12 ans, a convenu le secrétaire à la Défense.

Mais une commission spéciale bipartite du Congrès doit maintenant trouver des économies supplémentaires et, faute d'accord d'ici fin novembre, un mécanisme automatique se mettra en oeuvre et prévoira 600 milliards d'économies supplémentaires pour le Pentagone.

Une perspective «inacceptable» pour M. Panetta, qui «ne veut même pas commencer à l'envisager».

Ce spécialiste des questions budgétaires, qui a dirigé la commission du Budget à la Chambre des représentants et la Cour des comptes américaine, a pourtant été nommé par le président Barack Obama pour tailler dans le budget du Pentagone, s'accordent à dire la plupart des observateurs.

«Nous prenons déjà notre part des coupes budgétaires décidées lors de l'accord sur le plafond de la dette. Elles vont être suffisamment violentes. Tout ce qui irait au-delà porterait atteinte à notre défense nationale», a lancé le secrétaire à la Défense.

De futures réductions de budget auraient un «impact dévastateur» sur la capacité du Pentagone à mener ses missions, a renchéri l'amiral Mullen, principal conseiller militaire du président.

«Si l'amiral Mullen est sérieux quand il dit que la dette est la plus importante menace pour notre sécurité nationale, c'est le moment pour lui et le Pentagone de commencer à faire à quelque chose», a réagi à l'AFP le représentant démocrate Michael Honda, pour qui le budget du Pentagone reflète le poids de l'industrie de défense, «pas le niveau de menaces».

Avec la perspective du maintien probable d'un contingent américain en Irak après 2011 pour entraîner les forces irakiennes, et le conflit en Afghanistan où le retrait du tiers des 99.000 soldats américains ne fait que débuter, il n'est pas question de tailler dans ce secteur, selon l'amiral Mullen.

Et les effectifs de l'armée de Terre doivent déjà baisser de 50 000 personnes, ceux des Marines d'environ 15.000, a-t-il précisé.

Le département de la Défense emploie 2,3 millions de personnes en uniforme et 770 000 civils.

C'est donc essentiellement dans les programmes d'armement qu'il faudra tailler. Les programmes qui dépassent les prévisions de coûts ou qui sont en retard, tels que le développement du futur avion de chasse F35 qu'il n'a pas nommé, seront «sous surveillance».

À l'appui de cette frappe préventive à l'adresse du Congrès, les responsables du Pentagone mettent en avant les dangers qui subsistent: Al-Qaïda, Iran, Corée du Nord, sans compter les conflits en Irak et en Afghanistan.

«En plus de tout cela, notre responsabilité est manifestement d'être capable de projeter notre puissance dans le monde afin de faire comprendre aux puissances émergentes que les États-Unis maintiennent une défense forte», a ajouté M. Panetta, évoquant sans la nommer la montée en puissance de la Chine.