Une cour d'appel fédérale américaine a accédé mardi à une demande du gouvernement de réexaminer la décision qu'elle avait prise fin avril d'autoriser cinq hommes à poursuivre une filiale de Boeing pour avoir pris part à des vols secrets de la CIA.

Ce réexamen aura cette fois lieu dans le cadre d'une session plénière de la cour fédérale de San Francisco.

Fin avril, la cour, réunie en formation à trois juges, avait opposé un revers au gouvernement américain en rejetant le recours au «secret d'Etat» dans cette affaire.

La plainte contre la filiale du constructeur américain Boeing, Jeppesen Dataplan, déposée par cinq anciens détenus de la CIA, aurait dû être renvoyée devant un tribunal de première instance.

Mais l'administration Obama a demandé à la cour de statuer en formation plénière sur cette question, affirmant que les Etats-Unis n'invoqueraient pas le secret d'Etat dans le seul but d'«éviter la révélation de violation de la loi ou de quoique ce soit d'embarassant pour le gouvernement».

Si la cour donne cette fois raison au gouvernement, les cinq anciens détenus pourront encore déposer un recours devant la Cour suprême.

Dans le cas contraire, cela constituerait une des seules possibilités qu'un un procès soit un jour organisé sur les complicités dans les vols et les prisons secrètes de la CIA, systématisés pendant l'administration Bush après le 11 Septembre.

«Autoriser cette plainte poserait un risque inacceptable à la sécurité nationale», assurait le gouvernement dans sa requête pour un réexamen en formation plénière.

«La position des Etats-Unis dans cette affaire est que le gouvernement peut s'engager dans des tortures et des enlèvements et déclarer ces activités "secrets d'État" (...) pour éviter toute enquête judiciaire», estimaient les plaignants dans leur réponse.

«Permettre à des victimes de torture de chercher justice dans nos tribunaux ne met pas en danger la sécurité nationale», ajoutaient-ils.

Parmi les cinq plaignants, figure l'Ethiopien Binyam Mohammed, libéré du camp de Guantanamo au Royaume-Uni en février, qui affirme avoir été ainsi secrètement transporté au Maroc pour y être torturé en 2002, puis à Kaboul en Afghanistan en 2004, où il a également subi des tortures avant de rejoindre Guantanamo.

Les plaignants affirment que Jeppesen Dataplan a aidé le renseignement américain en fournissant une aide logistique et des plans de vols pour les avions qui effectuaient les transports vers les prisons secrètes.

Dans un communiqué, l'Association américaine de défense des libertés civiles (Aclu), qui défend les plaignants, a exprimé sa «déception» devant la décision de la cour de réexaminer l'appel. «Nous espérons que la décision historique de la cour de permettre la procédure d'avancer sera confirmée», a affirmé Ben Wizner, leur principal avocat.