Les promesses de changement de Barack Obama plaisent aux Mexicains, a constaté notre envoyé spécial. Mais si une majorité souhaite que le candidat démocrate remporte la course à la Maison-Blanche, plusieurs continuent de s'interroger sur le président qui conviendrait le mieux au Mexique.

«Les États-Unis n'ont jamais été enclins à nous faire des faveurs, lance Lorena Sauza, militante de gauche et résidante du centre de Mexico. McCain est venu en visite au Mexique, c'est vrai, mais Obama permettrait une vraie rupture avec la politique machiavélique de Bush.»

 

De ses bureaux de Monterrey, un cadre de Cemex, l'un des plus gros producteurs mondiaux de ciment, n'est pas loin de partager les mêmes doutes: «Cemex a 30% de ses opérations aux États-Unis, et notre priorité est d'avoir un président américain qui rétablisse la croissance, confie-t-il. McCain est pour le traité de libre-échange, c'est la continuité. Obama est certes plus éloigné de ces préoccupations, mais c'est aussi une chance de relancer la relation américano-mexicaine sur de nouvelles bases.»

Selon un sondage de la BBC dévoilé cette semaine, trois Mexicains sur quatre disent préférer Obama à McCain. Une proportion similaire à celle remarquée chez les Québécois interrogés récemment dans un sondage de La Presse.

Mais au sud du Rio Grande, les analyses vont bien au-delà d'un simple rejet de George Bush et de son potentiel successeur.

«Entre les familles mixtes, les migrants, les travailleurs, c'est au total un Mexicain sur deux qui a des liens plus ou moins directs avec les États-Unis, sans oublier les 20 millions de personnes d'origine mexicaine qui vivent là-bas, observe Gustavo Vega, directeur du Centre d'études international du Collège de Mexico. Alors forcément, nous regardons ces élections de très près.»

Après deux mandats d'un George Bush qui avait promis de faire de l'Amérique latine une priorité, avant d'être détourné de cet objectif par les attentats du 11 septembre et la guerre en Irak, les Mexicains sont dans l'attente d'un changement, notamment sur la politique migratoire.

Lignes brouillées

Mais l'époque où le choix était clair entre des républicains anti-migrants et des démocrates auréolés par la politique libérale de Bill Clinton est bien révolue. «Les choses sont beaucoup plus compliquées qu'avant, analyse Blanca Torres, directrice à Mexico d'un programme d'étude sur l'Amérique du Nord. McCain a soutenu la proposition de réforme migratoire de Bush au Congrès, mais sa priorité reste la construction du mur à la frontière sud des États-Unis. Les démocrates ont également durci leur discours car les syndicats sont inquiets de la possible régularisation des douze millions de clandestins. Difficile de faire une différence entre les deux candidats», conclut-elle.

Et ce n'est pas le seul domaine où les lignes sont brouillées. McCain a promis de ne pas toucher au traité de libre-échange qui lie les États-Unis, le Canada et le Mexique; Obama, lui, veut renégocier certains points afin de protéger l'emploi aux États-Unis...au grand désarroi des milieux d'affaires.

Le candidat républicain, sénateur de l'État frontalier d'Arizona, a également réalisé une grande première en se rendant en juillet au Mexique, lors de sa campagne électorale. Le candidat démocrate, sénateur de l'Illinois, n'a pour sa part jamais mis les pieds en Amérique latine.

Autre obstacle que devra surmonter Obama: sa couleur de peau. «Aux États-Unis, il y a une compétition pour l'emploi entre Latinos et Noirs, ajoute Gustavo Vega. Cette réalité risque de dissuader beaucoup de Mexicains de voter Obama.»

Face à ces incertitudes, les autorités mexicaines ont prudemment noué des contacts avec l'entourage des deux candidats, tout en sachant que le destin de leur pays ne dépendra pas seulement du choix présidentiel du 4 novembre.

«La personnalité des gouverneurs des États frontaliers et l'orientation du Congrès jouent aussi un grand rôle, indique Gustavo Vega. McCain président, un Congrès démocrate... Ce serait peut-être la meilleure formule pour le Mexique.»