Le groupe État islamique (EI) a pris position vendredi à la lisière d'Alep, deuxième ville de Syrie, grâce à une percée éclair contre les rangs des rebelles déboussolés par les frappes russes qui les visent principalement.

De son côté, le Pentagone a annoncé dans la soirée que la Russie et les États-Unis étaient prêts à reprendre des discussions sur la sûreté de l'espace aérien en Syrie, où les deux pays sont engagés dans des opérations militaires distinctes.

Au dixième jour des frappes russes, les États-Unis ont par ailleurs décidé d'arrêter d'entraîner des groupes syriens anti-État islamique pour se concentrer sur la fourniture d'équipement et d'armes à des chefs de groupes rebelles triés sur le volet.

Sur un autre front, l'armée syrienne, revigorée par les frappes de son allié russe et l'appui du Hezbollah chiite libanais, a intensifié sa chasse aux rebelles dans des régions du nord-ouest où les combattants de l'EI ne sont pas présents.

Dans ce conflit complexe impliquant une multitude d'acteurs, les raids de Moscou ciblent pour le moment principalement les groupes rebelles hostiles au régime et le Front Al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda, et seulement marginalement l'EI.

L'intervention de Moscou, entamée le 30 septembre, est critiquée par l'Occident qui l'accuse de vouloir secourir son allié Bachar al-Assad plutôt que de combattre les djihadistes.

Profitant des frappes russes sur les rebelles, l'EI a avancé rapidement en direction d'Alep, sans être visé par les raids, après avoir chassé des groupes insurgés rivaux de localités au nord de cette ville, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Il y a eu des dizaines de morts, a ajouté l'ONG. «L'EI a profité de la confusion dans les rangs rebelles frappés par les Russes. Les djihadistes sont désormais près de la ligne de front avec les troupes du régime de Bachar al-Assad», a ajouté le chef de l'OSDH.

L'EI «aux portes d'Alep»

Dans un communiqué, l'EI a affirmé avoir «pris le contrôle de vastes régions au nord d'Alep» et être «aux portes d'Alep»,

Le groupe ultra-radical, qui s'est emparé de la moitié du territoire syrien et sévit également en Irak voisin, se trouvait à un peu plus de 10 km de la périphérie nord de la ville et à 3 km de la zone industrielle de Cheikh Najjar, aux mains du régime, selon l'OSDH.

L'ancienne capitale économique de Syrie est divisée depuis juillet 2012 entre des secteurs ouest aux mains du régime et est sous contrôle de plusieurs groupes insurgés, dont le Front Al-Nosra, ses alliés islamistes et des rebelles locaux.

Ces derniers sont maîtres de la plus grande partie de la province d'Alep. L'EI n'est présent que dans le nord et le régime contrôle dans l'est une route clé reliant Alep à Homs.

Pour Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie à l'université d'Édimbourg, «les Russes concentrent leurs attaques sur les rebelles et ne frappent que très marginalement l'EI».

La coalition internationale dirigée par Washington et qui frappe les djihadistes depuis plus d'un an en Syrie «n'est pas non plus très active contre l'EI dans cette région (d'Alep). Cette coalition a annoncé vendredi avoir mené un raid sur Alep et un autre sur Raqa la veille.

«Le ministère (américain) de la Défense a reçu une réponse formelle du ministère russe de la Défense à qui il avait formulé une proposition pour garantir la sûreté des opérations aériennes en Syrie», a annoncé dans la soirée le porte-parole du Pentagone Peter Cook, ajoutant que «des négociations pourraient avoir lieu dès ce week-end».

Au lendemain des premières frappes russes, de hauts responsables civils et militaires américains s'étaient entretenus par vidéo-conférence avec leurs homologues russes sur les moyens d'éviter des incidents entre les aviations des deux pays.

PHOTO HAMED MALEKPOUR, TASNIM NEWS AGENCY/AP

Sur un autre front de la province d'Alep, le général Hossein Hamedani a été tué jeudi par l'EI selon Téhéran, principal allié régional de la Syrie où il a envoyé 7000 membres des Gardiens de la révolution, son armée d'élite.

Un général iranien tué

Sur un autre front de la province d'Alep, le général iranien Hossein Hamedani a été tué jeudi par l'EI selon Téhéran, principal allié régional de la Syrie où il a envoyé 7000 membres des Gardiens de la révolution, son armée d'élite.

Le plus haut gradé iranien opérationnel tué en Syrie depuis le début du conflit a trouvé la mort dans un bombardement à Kweires, un aéroport militaire encerclé par l'EI depuis mai et dont il était chargé de briser le siège, selon l'OSDH.

Forte des bombardements russes, mais aussi de l'appui crucial du Hezbollah libanais au sol, l'armée du régime a lancé mercredi une vaste offensive pour reprendre le territoire perdu, avançant dans des secteurs des provinces de Hama (centre) et de Lattaquié (ouest).

Le Kremlin a assuré que l'opération russe «se poursuivra tout au long de l'offensive des forces syriennes».

«Cette campagne vise en premier lieu à protéger le territoire du régime (à Hama et Lattaquié), puis de contre-attaquer pour reprendre la province d'Idleb (entièrement conquise par une coalition composée d'Al-Nosra et des rebelles islamistes) en remontant vers le nord», selon l'OSDH.

L'un des enjeux est Sahl al-Ghab, une plaine stratégique à Hama où les insurgés avaient avancé, menaçant Lattaquié. Ces derniers sont actuellement bombardés par les Russes.

L'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch a demandé vendredi une enquête sur des «frappes apparemment russes» qui auraient tué 17 civils près de Homs le 30 septembre dans une zone qui ne comptait pas d'objectif militaire.

«Selon les lois de la guerre, une distinction doit être faite entre civils et combattants», a rappelé l'ONG.