Tous alliés soient-ils des États-Unis, l'Arabie Saoudite et ses voisins se sont montrés réticents ou impuissants à lutter contre le financement du terrorisme depuis les attentats du 11 septembre 2001, selon des câbles diplomatiques américains obtenus par le site WikiLeaks et publiés dimanche par un groupe de journaux.

La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a elle-même dressé ce constat dans un câble de décembre 2009, précisant que «les donateurs (privés) en Arabie saoudite demeurent la principale source mondiale du financement de groupes terroristes sunnites».

Selon la même note, le pèlerinage de La Mecque permet aux représentants de mouvements islamistes armés de récolter «probablement des millions de dollars annuellement». Les dirigeants saoudiens auraient eux-mêmes admis que le «Hajj» présente une «occasion» pour les collecteurs de fonds, selon une note rédigée au début de l'année après le passage à Ryad de représentants du Trésor américains.

Deux mois avant cette admission, Hillary Clinton avait fait état dans sa note secrète de la difficulté de «convaincre les dirigeants saoudiens que traiter la question du financement en provenance d'Arabie Saoudite est une priorité stratégique».

D'autres pays du Golfe font l'objet de critiques dans les câbles diplomatiques américains, le Qatar étant considéré comme le «pire de la région» en matière de lutte antiterroriste et le Koweït comme un «point de transit essentiel».

«Vide stratégique»

Il y a par ailleurs aux Émirats arabes unis «un vide stratégique» susceptible d'être exploité par des groupes terroristes, selon les diplomates américains.

Outre le pèlerinage à La Mecque, les autres méthodes de financement des groupes islamistes armés incluent le trafic de drogue en Afghanistan et le cambriolage d'une banque, l'an dernier, au Yémen, qui aurait permis à la branche locale d'Al-Qaïda de rafler un demi-million de dollars, selon les notes du département d'État.

Les groupes terroristes ne reçoivent pas de sommes importantes en provenance des États-Unis ou de l'Europe, selon les câbles américains, qui citent notamment cette déclaration d'un membre du contre-espionnage britannique à des représentants du Trésor américain: «Le financement est important au Royaume-Uni, mais l'argent vient en réalité du Golfe».

Une semaine après le début de leurs révélations sur les quelque 250 000 câbles diplomatiques américains obtenus par WikiLeaks, les cinq journaux y ayant eu accès - le New York Times, Le Monde, le Guardian, Der Speigel et El Pais - n'ont utilisé qu'une infime fraction des documents (environ 1100 en date du 3 décembre au soir, selon un responsable américain). Ils pourraient ainsi continuer à multiplier pendant plusieurs jours encore les motifs d'embarras pour Washington et les gouvernements étrangers.

Iran-Irak

Dimanche, le Times et cie ont également publié des câbles diplomatiques américains témoignant des manoeuvres de l'Iran pour influer sur les affaires intérieures de l'Irak, entre 2004 et février 2010. Le régime islamique aurait notamment financé «des entités chiites ou kurdes rivales - et parfois mêmes sunnites - dans le but de développer une dépendance financière», selon une note du 13 novembre 2009 rédigée par l'ambassadeur américain à Bagdad, Christopher Hill, et intitulée «Efforts iraniens dans la politique électorale irakienne».

«L'Iran est l'un des acteurs dominants dans la politique électorale irakienne», écrit le diplomate américain en précisant que Téhéran «emploie la totalité des moyens de la diplomatie, de la sécurité, du renseignement et des outils économiques pour influer sur ses alliés et détracteurs irakiens.»

«Un gouvernement irakien pro-Iran, dominé par les chiites et préférablement islamiste, demeure la priorité numéro 1 de Téhéran», ajoute-t-il.

Un câble de mai 2008 estime par ailleurs que l'Iran aurait «salarié plus de 10 000 imams chiites» en Irak. Ceux-ci ont pour mission d'élargir l'appui au gouvernement des clercs, une doctrine à laquelle s'oppose cependant le grand ayatollah Ali Sistani, dont «l'autorité dominante et la crédibilité religieuse» représente le principal obstacle à la politique iranienne en Irak, selon Christopher Hill.

Dans sa note du 13 novembre 2009, l'ambassadeur américain écrit que «l'aide financière iranienne à ceux qui l'acceptent est estimée à de 100 à 200 millions de dollars chaque année».