Le général controversé Khalifa Haftar, hostile aux islamistes, a été nommé lundi à la tête des forces armées loyales au Parlement libyen reconnu par la communauté internationale, une décision qui risque de rendre encore plus difficile toute solution politique dans ce pays profondément divisé.

Un nouveau round de dialogue politique parrainé par l'ONU devrait se tenir jeudi au Maroc, après la décision lundi du Parlement de reprendre les pourparlers, à l'issue d'une rencontre avec le représentant de l'ONU en Libye, Bernardino Leon.

M. Haftar, 72 ans, s'autoproclamait déjà chef de l'Armée nationale libyenne (ANL), une force paramilitaire formée notamment d'officiers ayant fait défection de l'armée de l'ex-dictateur Mouammar Kadhafi, qui combat depuis plusieurs mois les groupes islamistes dans l'est de la Libye.

«J'ai choisi le général de division Khalifa Belgacem Haftar pour le poste de commandant général de l'armée», créé sur mesure pour lui par les parlementaires le 24 février, a déclaré sans surprise lundi à l'AFP le président du Parlement reconnu par la communauté internationale, Aguila Salah Issa.

Cette annonce intervient alors que la Libye plonge chaque jour un peu plus dans le chaos. Le pays est dirigé par deux Parlements et deux gouvernements rivaux : l'un, proche de la coalition de milices Fajr Libya, siège à Tripoli, l'autre, reconnu par la communauté internationale, est installé à Tobrouk.

Opération «Dignité»

En le faisant chef de l'armée, les autorités installées à Tobrouk, d'abord ouvertement opposées au général, reconnaissent le statut d'homme fort qu'il a acquis en quelques mois.

En mai 2014, face au délitement du pays depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, Haftar lance une opération contre des groupes qu'il qualifie de «terroristes» à Benghazi, fief de milices islamistes lourdement armées.

Se présentant comme le «sauveur» de l'armée, il n'hésite alors pas à critiquer les autorités, qu'il accuse de favoriser l'influence de milices d'ex-rebelles aux dépens de la construction d'une armée professionnelle et disciplinée.

L'opération, baptisée «Dignité», ne rencontre pas le succès qu'il espère et, en octobre, il annonce une nouvelle contre-offensive pour reprendre Benghazi - cette fois-ci avec le soutien du Parlement et du gouvernement.

Il parvient à reconquérir une grande partie de la ville mais continue à faire face à une résistance des milices islamistes dans le centre de la ville où des combats quotidiens continuent d'opposer les deux camps.

Lundi encore, deux civils ont été tués et 15 autres blessés dans la chute de roquettes dans un quartier résidentiel du centre de la ville, selon un officier de l'armée.

Ces dernières semaines, le général Haftar et ses alliés ont tenté de se placer en première ligne dans la lutte contre l'organisation État islamique (EI), qui monte en puissance en Libye, et réclamé une aide internationale.

Reprise du dialogue

Mais les pays occidentaux, qui appellent de leurs voeux l'instauration d'un dialogue en Libye, ont rejeté l'idée de soutenir les forces de Haftar, craignant d'aggraver les divisions, Fajr Libya excluant toute implication du général dans une future solution politique.

Dans ce contexte, l'«officialisation» de Khalifa Haftar comme chef de l'armée risque de compliquer davantage la tâche de l'ONU - artisan d'une tentative de dialogue entre parties rivales.

En parallèle, et dans ce qui paraît comme un geste de bonne intention devant la communauté internationale, le Parlement reconnu a décidé de reprendre sa participation au dialogue. Il l'avait suspendue la semaine dernière, arguant de pressions de pays occidentaux pour intégrer des islamistes dans un futur gouvernement d'union.

Cette décision a été annoncée après une rencontre avec Bernardino Leon qui s'est rendu également à Tripoli pour rencontrer des représentants du Congrès général national (CGN, Parlement sortant) réactivé par Fajr Libya.

A Tripoli, le vice-président du CGN Salah al-Makhzoum a annoncé dans la soirée qu'un «accord a été trouvé» avec M. Leon pour la reprise du dialogue libyen jeudi au Maroc.

Plusieurs observateurs soulignent toutefois que tout effort de dialogue semble vain si Fajr Libya et les forces de Haftar ne se mettent pas autour d'une même table. Or jusqu'ici, les «ailes dures» des deux camps rejettent tout dialogue avec la partie adverse.