Une attaque chimique présumée ayant fait des dizaines de morts dans une zone rebelle près de Damas a soulevé un tollé international dimanche, le président américain Donald Trump avertissant Bachar al-Assad et ses alliés qu'il faudrait «payer le prix fort» pour ce bombardement.

Sous l'impulsion de la France, neuf pays ont demandé une réunion urgente lundi à 15h00 du Conseil de sécurité de l'ONU sur l'attaque présumée samedi à Douma, selon des sources diplomatiques.

Peu après, Moscou a demandé pour la même heure une autre réunion du Conseil, qui n'a pas pour objet spécifique la Syrie et parle de «menaces sur la paix dans le monde», selon des sources diplomatiques.

La réunion consacrée à la Syrie a alors été avancée à 11h30...

Le régime syrien, défendu par ses deux alliés indéfectibles, la Russie et l'Iran, a démenti toute attaque chimique dans l'ultime poche rebelle dans la Ghouta orientale, région stratégique aux portes de la capitale que ses forces semblaient dimanche soir en passe de reprendre entièrement.

Alors qu'un conseiller de M. Trump a déclaré qu'une action militaire n'était pas à écarter, Moscou a mis en garde Washington contre une telle intervention «pour des prétextes fabriqués» qui pourrait «mener aux plus lourdes conséquences».

«De nombreux morts, y compris des femmes et des enfants, dans une attaque CHIMIQUE insensée en Syrie», a tweeté M. Trump, assurant qu'il faudra en «payer le prix fort». Il a pointé du doigt la «responsabilité» de la Russie et de l'Iran, qualifiant M. Assad «d'animal».

Il y a un an, le président américain avait fait bombarder une base du régime syrien en représailles à une attaque au gaz sarin, qui avait tué trois jours plus tôt plus de 80 civils à Khan Cheikhoun.

Les Casques Blancs, les secouristes en zones rebelles, un groupe insurgé ainsi que l'opposition en exil ont accusé le régime d'avoir mené une attaque chimique à Douma. L'Union européenne a estimé elle que les indices pointaient «vers une nouvelle attaque chimique perpétrée par le régime».

«Scènes effroyables» 

Il n'était pas possible de confirmer ces allégations de source indépendante. L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), qui dispose d'un réseau de sources dans le pays, a indiqué ne pas être en mesure de confirmer une attaque chimique.

Mais les Casques Blancs et l'ONG médicale Syrian American Medical Society (SAMS) ont affirmé dans un communiqué conjoint que 48 personnes avaient péri dans cette attaque aux «gaz toxiques».

Ils ont également fait état de «plus de 500 cas, la plupart des femmes et des enfants», qui souffrent notamment de «difficultés respiratoires et dégagent «une odeur semblable à celle du chlore».

Une vidéo postée par les Casques blancs sur Twitter et présentée comme tournée après l'attaque chimique présumée montre un enchevêtrement de corps sans vie, dont ceux de femmes et d'enfants, allongés à même le sol, de la mousse blanche s'échappant de leur bouche.

Firas al-Doumi, un secouriste à Douma a évoqué «des scènes effroyables». «Il y avait de nombreuses personnes en train de suffoquer, certaines sont mortes immédiatement», a-t-il dit. «C'était un massacre. Il y avait une très forte odeur qui a entraîné des difficultés respiratoires chez les secouristes».

«Nous avons fait une tournée dans la ville, on a vu des corps encore abandonnés sur les routes», a affirmé un volontaire du Croissant rouge syrien.

Face aux accusations contre le régime, son allié russe a dénoncé des «prétextes inventés» pour une intervention militaire qui «serait absolument inacceptable et peut mener aux plus lourdes conséquences».

L'Iran a de son côté fustigé un nouveau «complot» contre le président Assad et un «prétexte pour une action militaire».

Le régime y a vu lui «une rengaine ennuyeuse» de la part des pays «qui soutiennent le terrorisme en Syrie».

À l'étranger, la France a fait état de son «extrême préoccupation», affirmant qu'elle assumerait «toutes ses responsabilités».

La Turquie, parrain des rebelles, a dit soupçonner «fortement» le régime,  le patron de l'ONU Antonio Guterres s'est dit «particulièrement alarmé» par le recours présumé au gaz, et l'Union européenne a vu les «indices» d'une nouvelle attaque à l'arme chimique.

«Rien ne peut justifier l'usage de tels instruments d'extermination contre des personnes et des populations sans défense», a dit de son côté le pape François. 

Accord sur Douma 

Grâce à l'appui militaire de Moscou, le régime contrôle déjà plus de la moitié de la Syrie, ravagée par une guerre qui a fait plus de 350 000 morts en sept ans.

Il a été maintes fois accusé de mener des attaques chimiques contre des régions rebelles, ce qu'il a toujours nié.

Déterminé à faire plier le groupe rebelle Jaich al-Islam, le dernier encore présent dans la Ghouta orientale et retranché à Douma, le pouvoir a de nouveau bombardé intensément vendredi et samedi la ville tuant près d'une centaine de civils, selon l'OSDH.

Le régime a, semble-t-il, obtenu ce qu'il voulait puisque selon l'agence officielle Sana, l'évacuation vers le nord de la Syrie des rebelles et de leurs familles a commencé dimanche soir, en application d'un accord conclu dans la journée avec Jaich al-Islam.

Le commandant du centre russe pour la réconciliation entre les parties, Iouri Evtouchenko, avait annoncé plus tôt que «100 autobus» étaient arrivés sur place et que «tout (était) prévu pour l'évacuation de 8000 combattants et environ 40 000 membres de leurs familles».

Parallèlement, des otages retenus à Douma par les rebelles ont pu regagner Damas.

Après une offensive lancée le 18 février par le régime pour reprendre la Ghouta orientale qui a fait plus de 1600 morts, des accords d'évacuation négociés par Moscou ont déjà entraîné l'évacuation de plus de 46 000 combattants de deux autres groupes rebelles et des civils pour Idleb, une des provinces échappant presque entièrement au régime.