Les chrétiens d'Égypte, redoutant une marginalisation croissante face à des islamistes en plein essor, craignent de surcroît que le film anti-islam ne renforce l'hostilité à leur encontre dans leur propre pays.

Les églises coptes égyptiennes ont été parmi les premières à condamner le film amateur Innocence of Muslims, un brûlot islamophobe tourné aux États-Unis, pour la réalisation duquel des coptes radicaux installés en Amérique du Nord sont mis en cause.

Le 11 septembre, des milliers d'Égyptiens ont manifesté devant l'ambassade des États-Unis au Caire pour dénoncer cette production à petit budget qui dépeint le prophète Mahomet comme un voyou aux pratiques déviantes. Un groupe de manifestants avaient remplacé le drapeau américain par un autre islamiste.

Le synode de l'Église orthodoxe copte, la plus haute autorité du patriarcat copte, a condamné le film en estimant qu'il s'agissait d'un «plan malveillant destiné à diffamer les religions et à provoquer des divisions parmi le peuple égyptien».

Mais cette condamnation n'a pas suffi à empêcher certains islamistes radicaux de s'en prendre à la communauté copte d'Égypte. Un prédicateur, cheikh Abou Islam, a ainsi appelé à ce que la Bible soit brûlée lors des manifestations devant l'ambassade américaine.

«Les Égyptiens chrétiens ont peur en raison des réactions violentes de certains islamistes radicaux. Ils craignent que ces réactions soient avant tout dirigées contre les chrétiens», a expliqué à l'AFP l'ancienne députée copte Mona Makram Ebeid, membre du Conseil national pour les droits de l'Homme.

«Un petit groupe de coptes de la diaspora est derrière le film. Aucun lien ne devrait être fait avec ceux d'Égypte», a-t-elle poursuivi, en précisant que la condamnation rapide de l'Église avait en partie réussi à désamorcer la colère contre les chrétiens dans le pays.

La semaine dernière, la justice égyptienne a annoncé des poursuites contre sept coptes égyptiens vivant en Amérique du Nord, accusés d'avoir participé à la production ou la diffusion du film dont des extraits peuvent être visionnés sur internet.

Le film, qui a provoqué une vague de manifestations et de violences meurtrières dans le monde musulman, «était un prétexte pour attaquer les coptes et les chrétiens, comme l'a fait cheikh Abou Islam», a déclaré Ramy Kamel, un militant copte à l'AFP.

«La peur des coptes augmentera tant que l'État restera silencieux sur les violations de nos droits», ajoute ce membre du bureau politique de l'Union des jeunes de Maspéro, qui regroupe de jeunes chrétiens d'Égypte.

Les mois qui ont suivi la chute du régime du président égyptien Hosni Moubarak en février 2011 ont été marqués par des heurts interconfessionnels, parfois meurtriers, sur fond de montée de l'islamisme.

L'élection en juin d'un président issu pour la première fois des Frères musulmans, Mohamed Morsi, a aggravé les craintes de la communauté copte, malgré les assurances du nouveau chef d'État d'être «le président de tous les Égyptiens».

Les coptes représentent 6 à 10% de la population égyptienne, forte de 82 millions d'habitants.

Selon la presse, nombre d'entre eux quittent l'Égypte, ou cherchent à le faire, de crainte de voir leur communauté, déjà très peu représentée au gouvernement et dans la haute fonction publique, être davantage marginalisée face aux progrès des islamistes.

Leurs craintes ont été avivées par la décision d'un tribunal égyptien de condamner un copte à six ans de prison pour avoir porté atteinte au prophète et à M. Morsi sur Facebook.

L'Union des jeunes de Maspéro a accusé dans un communiqué la justice d'être biaisée. «La loi n'est appliquée que lorsqu'il s'agit de coptes, ce qui accroît leur sentiment d'isolement dans leur propre pays».

Un point de vue partagé par Sameh Saad, membre de la Coalition copte pour l'Égypte. «Il n'y a que des cas impliquant une diffamation de l'islam. Tous ceux qui diffament l'islam sont poursuivis et punis, mais ce n'est pas le cas pour ceux qui diffament le christianisme».