Un gouvernement d'entente nationale a pris ses fonctions samedi pour gérer une difficile transition au Yémen où l'armée est divisée, Al-Qaïda bien implantée et l'économie au bord de l'effondrement après plus de 10 mois de contestation contre le président Ali Abdallah Saleh.

À Oslo, Tawakkol Karman, l'une des figures emblématiques de la révolte yéménite, a reçu le prix Nobel de la paix, qui lui avait été attribué le 7 octobre.

À cette occasion, elle a déploré la relative indifférence du monde à l'égard de la révolution yéménite. «Cela devrait hanter la conscience mondiale parce que ça soulève la question de l'égalité et de la justice», a-t-elle insisté.

Les membres du nouveau gouvernement, conduit par le chef de l'opposition Mohamed Basindawa, ont prêté serment au palais de République à Sanaa devant le vice-président Abd Rabbo Mansour Saleh, responsable de la période intérimaire jusqu'au départ du président Ali Abdallah Saleh prévu en février.

Le gouvernement a été formé mercredi à parité entre l'opposition et le Congrès populaire général (CPG), qui était au pouvoir, en vertu d'un accord sur une sortie de crise conclu le 23 novembre à Riyad.

«Le Yémen attend de ce gouvernement qu'il favorise les conditions d'une vie en paix pour ses citoyens», a déclaré M. Hadi en présidant la première réunion du gouvernement, qu'il a invité à agir en priorité pour «éliminer les causes de la tension politique et sécuritaire» dans le pays.

«Notre principale responsabilité est de sortir la patrie de l'effondrement économique et sécuritaire et d'améliorer le niveau de vie» des habitants, a déclaré pour sa part M. Basindawa, dont le gouvernement s'est engagé à présenter son programme au Parlement dès la semaine prochaine, selon l'agence officielle Saba.

Le gouvernement a désormais la lourde tâche de rétablir la sécurité, l'armée étant encore divisée après la dissidence du général Ali Mohsen al-Ahmar, commandant de la 1re division blindée, qui a rallié la contestation en mars.

Des affrontements ont encore eu lieu ces derniers jours au nord de Sanaa entre militaires et tribus armées, ainsi qu'à Taëz, deuxième ville du pays, où les accrochages ont fait plus de 30 morts en début de semaine.

Le gouvernement doit également faire face à la fronde des jeunes protestataires qui, poursuivant les sit-in depuis février, exigent que M. Saleh soit jugé et contestent l'immunité que lui accorde l'accord de Riyad.

«Pas d'immunité, pas de garantie», «Faire juger Saleh et ses agents», ont scandé des milliers de jeunes manifestants samedi à Taëz, comme vendredi à Sanaa.

«Nous soutenons le (nouveau) gouvernement, car le peuple est fatigué (...) par tant d'années de souffrances», a déclaré à l'AFP un jeune protestataire à Sanaa, Mouïn al-Dhaleï, précisant que les sit-in étaient maintenus pour «faire chuter le gouvernement s'il ne travaille pas pour un État moderne».

La population yéménite est saignée à blanc avec une économie au bord de l'effondrement, couplée de pénuries de produits pétroliers et de gaz domestique et de fréquentes coupures d'eau courante et d'électricité.

«Le pays a perdu cette année 10 à 12 milliards de dollars, soit près du tiers du PIB prévu en 2011», a déclaré à l'AFP Taha al-Fouseil, conseiller du ministère de l'Industrie.

Le Yémen et ses 24 millions d'habitants vivent désormais «une grave crise humanitaire», a-t-il ajouté, soulignant que le taux de pauvreté, qui était de 47% en 2009, était «désormais estimé entre 65% et 75%».

En outre, l'affaiblissement de l'État a favorisé l'implantation d'Al-Qaïda, qui a pris le contrôle de plusieurs villes du Sud et tente d'établir un «croissant intégriste» s'étendant jusqu'au nord du Yémen.

Deux soldats et douze membres présumés d'Al-Qaïda ont été tués dans de nouveaux combats vendredi et samedi dans le Sud, selon des sources militaire et locale.