Des milliers de personnes ont participé samedi à des funérailles à Deraa (sud), épicentre de la contestation en Syrie, où les forces de l'ordre ont de nouveau tiré sur des manifestants, faisant au moins deux blessés, selon un militant des droits de l'homme.

Les manifestants, qui portaient dix dépouilles, se sont dirigés de la mosquée al-Omari vers le cimetière de la ville en scandant des slogans hostiles au régime, et rendant hommage aux «martyrs», a indiqué ce militant à l'AFP sous couvert de l'anonymat.

Dans un autre quartier de ville, à Al-Joumrouk, les forces de sécurité ont tiré sur des manifestants. Ces tirs ont fait deux blessés légers, a-t-il dit.

Des violences étaient survenues vendredi dans cette ville rurale de 85 000 habitants, à 100 km au sud de Damas, où des milliers de personnes avaient manifesté contre le régime.

Le président de l'Organisation nationale des droits de l'homme Ammar Qourabi, contacté au Caire, avait fait état de 30 manifestants tués par les forces de l'ordre.

Le ministère de l'Intérieur avait affirmé de son côté que 19 membres des forces de l'ordre avaient été tués et 75 blessés par des tirs de «groupes armés».

Depuis le début du mouvement de contestation du régime, à la mi-mars, les autorités imputent régulièrement les tirs lors des manifestations à des «bandes armées».

Le ministre des Affaires étrangères Walid Mouallem, cité par l'agence officielle Sana, a assuré samedi que «la Syrie respecte le droit à manifester pacifiquement» mais que des «saboteurs» s'étaient «infiltrés dans les rangs des manifestants» et avaient «ouvert le feu sur les manifestants et sur les agents de sécurité».

Allant dans le même sens, le ministère de l'Intérieur avait parlé auparavant de «comploteurs, poussés par des parties étrangères» derrière les heurts, assurant qu'il allait désormais agir fermement.

Les défenseurs des droits de l'homme contestent la version officielle.

«Ceux qui connaissent la Syrie savent qu'il n'y a pas de bandes armées (...) Le pays est tenu depuis 50 ans par un seul parti, gouverné par l'état d'urgence et possède 17 services de sécurité», a affirmé M. Qourabi.

La rédactrice en chef du quotidien gouvernemental Techrine, Samira al-Massalma, originaire de Deraa, a été limogée après avoir déclaré vendredi à la télévision Al-Jazira qu'«il y avait eu une violation des consignes» officielles enjoignant les forces de l'ordre à ne pas tirer sur les manifestants à Deraa.

«Si les forces de l'ordre ont commencé à ouvrir le feu, il faut alors les punir», avait-elle ajouté.

Outre les décès à Deraa, M. Qourabi a fait également état de trois morts à Homs (160 km au nord de Damas), trois à Hasra et trois à Douma, deux villes proches de Damas, vendredi dans des manifestations contre le régime.

Plus d'une centaine de manifestants ont été tués par les forces de l'ordre depuis la mi-mars, selon des organisations de défense des droits de l'homme.

Les protestataires réclament notamment l'abrogation de la loi d'urgence qui réduit sensiblement les libertés.

M. Mouallem a souligné samedi le caractère «légitime des demandes populaires», affirmant que la Syrie allait adopter «un programme de réformes économiques, politiques et judiciaires» et entendait «lutter contre la corruption».

Les diverses annonces de réformes formulées ces derniers jours par le régime n'ont cependant pas entamé la détermination des manifestants.

L'une des figures du mouvement d'opposition et chef de la plus grande tribu du pays, Nawaf Al-Bachir, a lancé une virulente attaque contre le régime, l'appelant à engager un dialogue national sans tarder au lieu «de s'obstiner à faire couler le sang du peuple syrien».

À l'étranger, l'Union européenne a appelé Damas à cesser les violences contre les manifestants et à entamer des réformes «maintenant».