Les familles toujours à la recherche de leurs proches portés disparus après les attentats de Bruxelles, mardi, s'accrochaient encore à une mince lueur d'espoir jeudi, coincées entre des autopsies qui se prolongent et des blessés graves toujours anonymes.

« On a toujours de l'espoir, on veut le voir », assure Maurette, dont le neveu, Yves Ciyombo Cibuabua, manque à l'appel depuis mardi matin. Le père de deux petites filles de 3 et 5 ans passait par le métro Maelbeek « tous les jours ». « Il travaillait tout près des bureaux de la communauté européenne », dit-elle.

Comme d'autres, Maurette et ses proches ont pris d'assaut les nombreux hôpitaux de Bruxelles ainsi que les médias sociaux pour faire circuler la photo du disparu.

À l'hôpital militaire Reine Astrid, en périphérie de Bruxelles, se déroule un ballet constant de familles et d'amis de victimes répondant à celui des ambulances et des jeeps kaki recouvertes de toile.

Tous espèrent une même chose : que leur proche soit parmi les survivants des attaques qui ne sont toujours pas identifiés, étant dans le coma. Ils étaient quatre au début de la journée de jeudi, ils n'étaient plus que deux en soirée, selon le plus récent bilan du ministère de la Santé.

Sur les 121 personnes demeurant hospitalisées, 63 sont toujours dans un état grave, ont indiqué les autorités.

Mécontent, James P. Cain, un ex-ambassadeur des États-Unis, cherche son gendre et veut que les autorités belges permettent à sa famille de vérifier visuellement s'il ne se trouverait pas parmi les rescapés anonymes. Permission refusée.

« Nous demandons au procureur fédéral de laisser ses parents vérifier si leur fils est toujours en vie », a-t-il lancé, après avoir traîné dans son sillage les télévisions internationales, sa femme Helen à ses côtés. 

« On nous dit qu'ils sont durs à reconnaître, qu'ils ont des bandages. Mais nous croyons qu'une mère ou un père peut distinguer son fils ou sa fille », affirme James P. Cain, ex-ambassadeur des États-Unis.

« Une mère va reconnaître son enfant. Peu importe dans quel état il est », ajoute son épouse.

La plupart des familles de disparus sont toutefois moins solides, moins rompues à la parole publique. Elles passent devant les journalistes sans vouloir s'arrêter.

Deux amies de la famille de la disparue suédoise Berit Viktorsson viennent aux nouvelles. « On a fait une chaîne entre copines et on s'est divisé [les hôpitaux] : Tervuren, Leuven et les autres. On a une photo de cette maman », explique l'une d'elles, qui refuse de donner son nom. « Elle était à l'aéroport. »

« C'est dur, ajoute-t-elle. On essaye de comprendre ce qu'il faut faire, mais ce n'est pas clair. »

Deux jeunes hommes sortent du grand bâtiment de béton, gardé par des soldats. « Ils nous ont demandé de revenir en soirée. [...] D'autres amis sont toujours ici », expose Manish, un ami de Raghavendran Ganesh, disparu à Maelbeek.

Les morts pas officiellement identifiés

Mais les espoirs de tous ne pourront être satisfaits. Il y a des morts, c'est certain. Trente et un. Pas un seul n'était officiellement encore identifié, jeudi, lors de la dernière communication du parquet fédéral.

« Il y a certains [de ces morts] qui doivent être identifiables visuellement, mais il faut qu'ils soient contrôlés scientifiquement », explique le médecin-légiste Jean-Marie Crèvecoeur, qui sort de l'hôpital avec son t-shirt rouge de fonction. Scientifiquement, donc, avec l'ADN ou la fiche dentaire.

Le travail est dur - il évoque « toute une chaîne » d'autopsies -, mais « nous sommes tous des gens qui sont habitués à ce genre de travail. On n'en est pas à notre première catastrophe », continue-t-il.

Pendant que les légistes travaillent, les médecins soignent.

« J'ai deux amis qui ont été brûlés. Un qui a été plongé dans un coma, [...] un a le tendon d'Achille rompu à cause des éclats », explique John Baret en arrivant à l'aéroport. En sortant, il affiche une mine dépitée. « C'est pire que ce que je croyais. » Un de ses amis avait des bandages sur tout le visage.

Roger Basiala est revenu faire revoir son bandage, après avoir reçu son congé de l'hôpital dès mardi. Il accompagnait sa soeur à l'aéroport lorsqu'il a reçu un morceau de métal dans le bras droit, maintenant dans une écharpe. La même main est deux fois plus grosse que l'autre. « Heureusement que ça n'a pas touché l'os », dit-il.

Le commandant Serge Jennes, chef de service, décrit « des blessures de guerre ». À Maelbeek et à l'aéroport, c'étaient « des bombes artisanales » garnies de « clous », de « tout un tas d'objets métalliques pour blesser ». Treize blessés sont toujours sous sa responsabilité.