L'implosion de Dominique Strauss-Kahn n'en finit plus. Après avoir échappé au pire dans deux affaires ultramédiatisées d'agression sexuelle, l'ex-directeur général du Fonds monétaire international (FMI) se retrouve de nouveau sous les projecteurs en raison de liens allégués avec un réseau de prostitution opérant dans le nord du pays. La goutte de trop pour plusieurs membres de son entourage, explique notre journaliste.

Comme elle semble loin, l'époque où Dominique Strauss-Kahn menait une grandiose carrière internationale à la tête du FMI tout en se préparant dans l'ombre à concourir pour la présidence française.

L'ex-favori des socialistes, qui fréquentait encore le gotha politique et économique de la planète il y a six mois à peine, est réduit à tourner en rond à Paris.

Après avoir bénéficié d'un non-lieu dans l'affaire du Sofitel, où il était accusé d'avoir violé une femme de chambre, et vu classée sans suite une plainte de même nature de l'écrivaine Tristane Banon, l'ex-ministre pensait pouvoir souffler et commencer à rétablir son image.

Ses efforts de séduction du public, ponctués par une entrevue sur une chaîne privée à une heure de grande écoute, ont tourné court à mesure que commençaient à paraître les détails de l'affaire du Carlton de Lille.

Les juges chargés de ce dossier ont mis au jour un réseau de prostitution centré sur cet établissement de luxe du nord du pays. En plus d'offrir leurs services à des clients de passage, des femmes étaient recrutées et rémunérées pour participer à des soirées «libertines» à Lille et ailleurs.

Au total, huit personnes, dont un haut responsable de la police locale, ont été mises en examen à ce jour pour proxénétisme aggravé, abus de biens sociaux et association de malfaiteurs.

Client régulier

C'est en poussant leur enquête - et en interviewant certaines des prostituées concernées - que les juges chargés du dossier ont découvert que Dominique Strauss-Kahn était l'un des clients réguliers du réseau.

Malgré le secret de l'instruction, régulièrement violé en France, les médias ne cessent d'égrener depuis des semaines de nouveaux détails sur ce que le magazine L'Express appelle «l'effarante double vie» de l'ex-ministre.

En se basant notamment sur des messages textes que se seraient envoyés Dominique Strauss-Kahn et un homme d'affaires de la région de Lille, l'hebdomadaire retrace une série de rencontres «libertines» durant lesquelles des prostituées ont été payées pour avoir une relation sexuelle avec l'ex-favori socialiste.

Certaines de ces rencontres se seraient déroulées à Paris et à Washington, où était établi le directeur général du FMI.

Selon le dossier d'instruction, les frais, y compris la rémunération des prostituées, étaient assumés par deux hommes d'affaires qui étaient étroitement liés au policier mis en cause par l'enquête. L'un d'eux s'est fait rembourser plusieurs milliers d'euros par sa société mère, Eiffage, qui affirme n'avoir jamais été informée de la nature réelle de ces dépenses.

De sex machine à cash machine?

Les médias français s'interrogent sur les motivations des acteurs qui organisaient la venue des prostituées. L'Express se demande notamment s'ils espéraient obtenir des passe-droits une fois Dominique Strauss-Kahn installé à la présidence. «En cas de victoire en 2012, la «sex machine» DSK aurait pu se transformer, pour certains, en «cash machine»», relève le magazine.

Les rebondissements dans l'affaire du Carlton sont suivis de près par l'avocat de Nafissatou Diallo, à l'origine de l'affaire du Sofitel. Bien que sa plainte pénale ait finalement été rejetée, elle poursuit Dominique Strauss-Kahn au civil aux États-Unis et pourrait tenter de récupérer tout témoignage incriminant relativement à son comportement envers les femmes.

Les révélations des dernières semaines constituent la goutte de trop pour plusieurs anciens partisans de l'ex-favori socialiste qui évitent aujourd'hui de le fréquenter tout en multipliant les théories à son sujet sous le couvert de l'anonymat.

«Il y avait chez Dominique une lutte à mort entre la contrainte d'une candidature qui s'imposait à lui et la pulsion, celle de son mode de vie soi-disant libertin. Plus nous avons exercé de contraintes, plus il était obligé d'organiser sa pulsion ailleurs que dans notre espace. Il s'est donc mis avec des gens que nous ne connaissons pas. Tout cela a fini par occasionner une névrose et une personne clivée», a avancé, il y a quelques jours dans Le Monde, un «poids lourd de la strauss-kahnie».

Un homme «déjà à terre»

Le déballage en cours en France irrite profondément Dominique Strauss-Kahn et sa femme, Anne Sinclair, qui ont promis de lancer une vague de poursuites pour faire cesser les atteintes «à leur vie privée et à leur dignité».

L'un de leurs avocats, Henri Leclerc, estime que la campagne «trash» en cours contribue «à la mise à mort d'un homme déjà à terre et à qui on donne des coups de pied».

Il a rappelé que l'ex-directeur général du FMI a déjà demandé à plusieurs reprises d'être entendu par les juges chargés de l'affaire du Carlton de manière à donner sa version des faits. Aucune convocation ne lui a cependant été transmise à ce jour.

«Si les juges ne le convoquent pas, c'est peut-être qu'ils n'ont rien à lui reprocher et n'ont peut-être même pas besoin de lui comme témoin», a déclaré Me Leclerc sur France Inter.