La Chine a indiqué jeudi que l'écrivain dissident Yang Hengjun, naturalisé australien, est actuellement détenu car il est suspecté d'avoir compromis la « sécurité nationale », une accusation utilisée à plusieurs reprises récemment contre des ressortissants étrangers.

Son interpellation intervient à un moment de tensions entre Pékin et certains pays occidentaux comme le Canada, les États-Unis et l'Australie. Deux citoyens canadiens ont déjà été arrêtés en décembre en raison d'accusations similaires.

Yang Hengjun, 53 ans, est un ex-diplomate chinois, devenu romancier, blogueur et partisan d'une démocratisation de la Chine. Il a été interpellé peu après un rare passage la semaine dernière dans son pays d'origine, en provenance des États-Unis.

« Le Bureau municipal pékinois de la Sécurité d'État a récemment pris des mesures coercitives et mène une enquête sur le citoyen australien » Yang Hengjun, a indiqué Hua Chunying, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

« Il est suspecté d'activités criminelles portant atteinte à la sécurité nationale », a-t-elle précisé lors d'une conférence de presse régulière.

Cette formulation est souvent associée en Chine à des accusations d'espionnage.  

Le ministre australien de la Défense, Christopher Pyne, actuellement en visite à Pékin, a promis jeudi à des journalistes qu'il évoquera l'affaire avec son homologue chinois. Il a précisé que Yang Hengjun est placé sous une forme de « résidence surveillée ».

La cheffe de la diplomatie australienne, Marise Payne, avait indiqué plus tôt que des diplomates devaient rencontrer les autorités chinoises dans la journée afin de « clarifier » la situation.

« Nous continuerons à communiquer avec la Chine pour faire en sorte que cette affaire soit traitée de manière juste et transparente », a-t-elle déclaré.

Romans d'espionnage

Yang Hengjun fut qualifié à un moment de blogueur politique chinois « le plus influent ». Il a acquis la nationalité australienne en 2000. Il est l'auteur de plusieurs romans d'espionnage à teneur politique et d'un blogue en mandarin très suivi.

Ses critiques contre le gouvernement chinois ont déjà fait de lui une cible. Il s'était évaporé quelques jours en 2011 durant une visite en Chine avant d'affirmer que cette « disparition » était en fait un malentendu.

La détention en décembre de deux Canadiens - l'ex-diplomate Michael Kovrig et le consultant Michael Spavor - était déjà largement perçue en Occident comme des représailles de Pékin après l'arrestation quelques jours plus tôt au Canada de Meng Wanzhou, dirigeante du géant chinois des télécoms Huawei.

« Tout cela ne fait que renforcer l'impression que visiter la Chine n'est pas sûr et que les services de sécurité vont de plus en plus s'en prendre aux gens pour ce qu'ils disent à l'extérieur de la Chine », s'est inquiété le sinologue Bill Bishop.

Les relations entre Pékin et Canberra sont également tendues depuis quelques mois.

L'Australie a annoncé en août que Huawei serait exclu du déploiement du réseau 5G sur son sol, citant des risques pour la sécurité. Les deux pays se livrent aussi à une lutte d'influence dans le Pacifique.

« Très préoccupant »

Les amis de Yang Hengjun avaient initialement fait part de leur inquiétude quand il n'est pas monté à bord de l'avion qui devait l'amener de Canton à Shanghai le 19 janvier.

En Australie, de nombreuses voix dénoncent le fait que la Chine n'aurait pas informé suffisamment rapidement les autorités australiennes de son arrestation.

« On ne peut pas enjoliver la situation. C'est un ressortissant australien, qui a été placé en détention en Chine », a déclaré le chef de l'opposition travailliste Bill Shorten. « C'est très préoccupant. »

Aux termes d'un accord bilatéral consulaire de 2000, la Chine avait trois jours calendaires pour informer l'Australie de la détention de M. Yang et autoriser des visites consulaires, sauf si l'intéressé renonçait à ce droit. Selon le ministre australien de la Défense, Pékin a uniquement informé Canberra après « quatre jours ».

Le groupe de défense des écrivains PEN a accusé la Chine de répression contre les auteurs. « Il est évident que M. Yang n'aurait pas été arrêté s'il n'était pas l'auteur d'écrits critiques », a-t-il déploré.