(Colombo) Le nouveau président du Sri Lanka Ranil Wickremesinghe a pris ses fonctions jeudi en affichant la volonté de former un gouvernement d’unité pour sortir le pays de la crise économique historique qui le mine depuis des mois.

M. Wickremesinghe, 73 ans, a prêté serment devant le juge en chef Jayantha Jayasuriya au siège du parlement et sous étroite surveillance.

Le chef de la police sri-lankaise et le haut commandement de l’armée se tenaient derrière lui lors de cette cérémonie tenue en présence du président du Parlement, Mahinda Abeywardana.

En vertu de la Constitution, le président est également le ministre de la Défense et le commandant en chef des forces armées.

M. Wickremesinghe avait été élu chef de l’État la veille par le parlement avec le soutien du clan de son prédécesseur Gotabaya Rajapaksa, qui a démissionné la semaine dernière après avoir fui le pays secoué par quatre mois de manifestations contre son pouvoir.  

Mais pour nombre de Sri Lankais, c’est bonnet blanc et blanc bonnet. « Nous n’avons pas besoin de Ranil, il est pareil à Gota », a estimé jeudi Irfan Hussain, un éleveur de volaille de la capitale Colombo. « Je ne pense pas qu’il va améliorer notre pays », a-t-il ajouté. « Il ne pense qu’à lui, pas au peuple ».

Les manifestations vont « évidemment » se poursuivre, assurait mercredi Nuzly Hameem, ingénieur et militant, mais « nous sommes épuisés, ça dure depuis quatre mois ».

« Misères et catastrophes »

M. Wickremesinghe, élu pour la période restante du mandat de M. Rajapaksa, qui se termine en novembre 2024, est à présent en quête d’un premier ministre pour former un gouvernement.

Il pourrait nommer à ce poste son ami d’enfance Dinesh Gunawardena, un ex-ministre de la Fonction publique et fervent partisan du clan Rajapaksa. C’est un dirigeant syndical qui représente un petit parti nationaliste allié au SLPP, le parti des Rajapaksa.

M.  Gunawardena et M. Wickremesinghe se connaissent depuis l’âge de trois ans et ont étudié ensemble au prestigieux Royal College de Colombo.

Mais selon des sources politiques, au moins deux autres personnalités sont également sur les rangs pour le poste.  

M. Wickremesinghe tient à réunir une coalition de toutes les formations, a déclaré une source dans son entourage, ajoutant que « quelques députés de la principale opposition rejoindront le cabinet ».

Le chef de l’opposition Sajith Premadasa, qui a soutenu un candidat rival dans l’élection du président par le parlement mercredi, a déclaré jeudi sur Twitter avoir rencontré M. Wickremesinghe et discuté de la manière de mettre le pays à l’abri de nouvelles « misères et catastrophes ».  

« En tant qu’opposition, nous apporterons notre soutien constructif aux efforts visant à atténuer la souffrance humaine », a tweeté M. Premadasa.  

Selon des sources officielles, le nouveau chef de l’État devrait former un gouvernement fort de 30 ministres au maximum qui aura pour mission de sortir le pays de la pire crise économique de son histoire.

Relations « bénéfiques »

M. Wickremesinghe hérite d’un pays de 22 millions d’habitants ravagé qui subit depuis des mois des coupures d’électricité, des pénuries d’aliments, de médicaments et de carburant.

L’île, qui a fait défaut en avril sur sa dette étrangère de 51 milliards de dollars, n’a plus de devises pour financer ses importations essentielles, et compte désormais sur un plan de sauvetage du Fonds monétaire international (FMI).

Une large part des emprunts est due aux détenteurs d’obligations souveraines internationales, mais la Chine reste le plus important créancier étranger bilatéral du Sri Lanka, comptant pour plus de 10 % de sa dette.  

Le Sri Lanka a fait des « paris stupides » en s’endettant auprès de la Chine, a déclaré mercredi le chef de la CIA, pour expliquer, en partie, la crise actuelle sur l’île, affirmant qu’elle devait servir d’avertissement aux autres pays tentés par un tel rapprochement avec Pékin.

« Les Chinois ont beaucoup d’influence et ils peuvent rendre leurs investissements très attractifs », a estimé le patron de l’agence américaine de renseignement, Bill Burns, lors du Forum sur la sécurité d’Aspen, dans le Colorado.

Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères de Pékin, Weng Wenbin, a répondu que les commentaires des responsables américains n’affecteraient pas les relations « amicales et bénéfiques » entre la Chine et le Sri Lanka.

Mercredi soir, après son élection, M. Wickremesinghe est allé se recueillir dans un temple bouddhiste. Devant la presse, il y a mis en garde « les fauteurs de troubles » recourant à des moyens antidémocratiques et promis de faire preuve de sévérité s’ils tentaient de perturber son gouvernement.  

« Si on essaye de renverser le gouvernement, d’occuper le bureau du président et celui du premier ministre, il ne s’agit pas de démocratie, et nous traiterons ceux-là avec fermeté », a-t-il déclaré.

Ranil Wickremesinghe est honni par le mouvement contestataire qui le considère comme un allié et protecteur de Gotabaya Rajapaksa.

« Je ne suis pas un ami des Rajapaksa, je suis un ami du peuple », a-t-il aussi insisté.