(Taipei) Une agence gouvernementale chargée d’examiner les traumatismes du passé autoritaire de Taïwan a préconisé mercredi le retrait de la statue géante de l’ancien président Tchang Kaï-chek, qui a imposé une loi martiale brutale pendant des années.

Le sort de cette statue de bronze de 6,3 mètres de haut a longtemps fait l’objet de débats acharnés, passionnés et polarisés à Taïwan, qui a évolué d’une dictature à l’une des démocraties les plus progressistes d’Asie.

Cette représentation de Tchang assis dans un fauteuil se situe au centre d’une immense place dédiée à l’ancien généralissime, à l’image du Lincoln Memorial de Washington.

La Commission indépendante pour une justice transitionnelle a estimé mercredi que la statue devait être retirée et que la place devait être transformée en parc « reflétant l’histoire autoritaire » de Taïwan.

« Sa suppression sera le signe […] d’un rejet de la légitimité du régime autoritaire et d’un rappel des leçons historiques », a-t-elle jugé.

Tchang est perçu par beaucoup comme le symbole du régime militaire qui a banni, emprisonné et tué des milliers d’opposants jusqu’à sa mort en 1975.

Les familles de victimes d’un vaste massacre perpétré par les troupes nationalistes de Tchang en 1947 réclament depuis longtemps le retrait de la statue.

Pour beaucoup de jeunes Taïwanais, Tchang est aussi synonyme d’une forme d’autoritarisme qui prévaut aujourd’hui en Chine continentale sous la houlette d’un régime communiste qui s’est promis de réinstaurer sa souveraineté sur Taïwan.

Tchang Kaï-chek et les troupes nationalistes du Kuomintang (KMT) se sont repliés sur Taïwan en 1949 après avoir perdu la guerre civile contre les forces communistes.

La Commission pour une justice transitionnelle a été formée il y a trois ans par le parti aujourd’hui au pouvoir, le Parti démocratique progressiste (PDP), afin de réparer les excès du pouvoir autoritaire du KMT entre 1945 et 1992.

La proposition de retrait de la statue fait partie d’un rapport qui sera soumis l’an prochain à l’approbation du gouvernement.

Mais la question continue de diviser.

Le KMT reste la principale formation d’opposition de l’île et, malgré une animosité historique, prône désormais un réchauffement des relations avec Pékin.

Il a accusé mercredi la commission d’essayer de « déchirer la société » en demandant le retrait de la statue.

« L’ancien président Tchang a défendu Taïwan contre l’invasion des communistes et il a accompli des tâches comme des réformes foncières. La commission ne peut pas prouver qu’il n’avait pas aucun mérite, mais seulement des défauts », a déclaré le KMT dans un communiqué.