(Manille) Le président philippin Rodrigo Duterte a promulgué vendredi une loi antiterroriste soupçonnée par ses opposants de pouvoir être instrumentalisée pour les réduire au silence

Cette loi, approuvée le mois dernier par le parlement et critiquée par les groupes de défense des droits de l’homme, permet au président Duterte de nommer un conseil qui pourrait ordonner des arrestations sans mandat de personnes soupçonnées de terrorisme.

Elle ouvre aussi la voie à plusieurs semaines de détention sans accusation, une procédure jugée nécessaire par le gouvernement pour combattre les rébellions communiste et islamiste.

Cette promulgation « montre le sérieux de notre engagement pour éradiquer le terrorisme, qui accable depuis longtemps notre pays et cause des douleurs inimaginables à une grande partie de notre population », a commenté le porte-parole de M. Duterte, Harry Roque.

Mais ses opposants affirment que la définition du terrorisme dans la loi est vague et pourrait renforcer la campagne de Duterte contre eux. Certains d’entre eux sont déjà en prison ou en cours de jugement après avoir critiqué ses politiques, dont sa guerre contre la drogue qui a déjà tué des milliers de personnes.

« Sous la présidence de Duterte, même les critiques les plus modérés du gouvernement peuvent être qualifiés de terroristes », a estimé le directeur pour l’Asie d’Amnistie internationale Nicholas Bequelin. « Le gouvernement a effectivement mis au point une nouvelle arme pour estampiller et pourchasser toute personne perçue comme un ennemi de l’État ».

« Dans le climat actuel d’impunité, une loi aussi vague dans sa définition du “terrorisme” peut seulement aggraver les attaques contre les défenseurs des droits de l’homme », a-t-il ajouté.

La loi définit le terrorisme comme l’intention de blesser ou tuer, porter atteinte au gouvernement ou à la propriété privée ou utiliser des armes de destruction massive pour « diffuser un message de peur » ou intimider le gouvernement.

Les suspects pourraient être détenus jusqu’à 24 jours sans accusation, ce qui selon les opposants violerait la limite de trois jours fixée par la Constitution.

Avec cette loi, « le président Duterte a précipité la démocratie philippine dans un abysse », selon Phil Robertson, directeur-adjoint pour l’Asie de l’ONG Human Rights Watch. « La loi menace d’aggraver significativement la situation des droits de l’homme aux Philippines, qui s’est dégradée depuis le lancement de guerre contre les drogues il y a quatre ans ».

Selon un rapport publié le mois dernier par l’ONU, au moins 8663 personnes ont été tuées dans cette « guerre », avec une « quasi-impunité » pour les auteurs des crimes.