(Brasilia) Le président brésilien Lula va s’envoler jeudi soir pour son premier voyage officiel en Europe depuis son retour au pouvoir en janvier, au Portugal et en Espagne, après ses propos controversés sur le conflit en Ukraine.

Ce sujet épineux sera abordé lors de l’entrevue prévue samedi entre Luiz Inacio Lula da Silva et le premier ministre portugais Antonio Costa, a révélé le ministère brésilien des Affaires étrangères.  

Lula, 77 ans, vient de rentrer d’un voyage en Chine, avec une escale aux Émirats arabes unis au retour.

Samedi, il a suscité une vive polémique en affirmant à Pékin que les États-Unis devaient cesser « d’encourager la guerre » en Ukraine. Il a également déclaré que l’Union européenne devait « commencer à parler de paix ».

Des propos durement critiqués par Washington : lundi, John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale, organe directement rattaché au président américain, a accusé le Brésil de « faire l’écho de la propagande russe et chinoise sans prendre en compte les faits ».

Le président brésilien a également réitéré que les responsabilités de la guerre déclenchée par l’invasion russe en Ukraine en février 2022 étaient partagées entre les deux pays.

Lundi, il a reçu à Brasilia le ministre des Affaires étrangères russe Serguei Lavrov, qui a « remercié » le Brésil pour sa « contribution » dans la recherche d’une solution au conflit, et pour « son excellente compréhension de la genèse de cette situation ».

Sous le feu des critiques, Lula a néanmoins changé de ton mardi, condamnant la « violation de l’intégrité territoriale de l’Ukraine » par la Russie.

« Balance déséquilibrée »

Lula, qui a déjà gouverné le Brésil de 2003 à 2010, tente de jouer les équilibristes sur la scène internationale depuis le début de son mandat.

Il a voyagé dès février à Washington pour une rencontre à la Maison-Blanche avec son homologue américain Joe Biden, et a visité récemment la Chine, premier partenaire commercial du Brésil.

Après les propos controversés sur l’Ukraine, jugés « malavisés » par les États-Unis, « la balance est un peu déséquilibrée », dit à l’AFP Pedro Brites, professeur de l’école de Relations internationales de la Fondation Getulio Vargas.

Selon lui, le voyage au Portugal et en Espagne peut permettre au président de gauche du Brésil de « rétablir cet équilibre », en montrant qu’il est en phase avec « les valeurs européennes sur la démocratie dans le monde ».

À l’inverse de plusieurs puissances occidentales, le Brésil n’a jamais imposé de sanctions financières à la Russie ou accepté de fournir des munitions à Kyiv et tente de se positionner, tout comme la Chine, en tant que médiateur.

« Pour le Brésil, la neutralité consiste à voir le conflit de façon pragmatique, en évitant de condamner ouvertement les parties prenantes », estime Pedro Brites.

Lula a promis de remettre son pays au centre de la géopolitique mondiale, après l’isolement sous son prédécesseur d’extrême droite Jair Bolsonaro (2019-2022).

« Relancer les relations »

Pour Maria Luisa Escorel de Moraes, responsable des relations avec l’Europe au ministère brésilien des Affaires étrangères, le voyage en péninsule ibérique peut permettre de « relancer les relations » entre la première économie d’Amérique Latine et le Vieux continent.

Selon elle, le Portugal, qui a colonisé le Brésil il y a plus de 500 ans, représente une « porte d’entrée » pour une reprise du dialogue avec l’Union européenne.

Lula arrivera à Lisbonne vendredi, mais son programme officiel débute samedi, avec notamment un déjeuner avec le premier ministre portugais.

Une dizaine d’accords doivent être signés, notamment dans les domaines de l’énergie, des sciences, de l’éducation et du tourisme.  

Lundi, il prendra part à la remise de la plus haute distinction de la littérature lusophone, le Prix Camoens, au célèbre chanteur brésilien Chico Buarque.

Ce dernier, connu pour son engagement à gauche et contre la dictature militaire (1964-1985), avait été annoncé comme lauréat en 2019, mais Jair Bolsonaro avait refusé de signer les documents nécessaires pour que le prix lui soit remis officiellement.

En Espagne, Lula sera reçu par le Roi Felipe VI mardi, puis par le premier ministre espagnol Pedro Sanchez mercredi, avant de repartir pour Brasilia.