Le régime de Nicolas Maduro, soumis à la pression de la communauté internationale en faveur de l'opposant Juan Guaidó, a contre-attaqué mercredi en expulsant l'ambassadeur d'Allemagne à Caracas pour « ingérence ».

Une décision immédiatement condamnée par Berlin qui la juge « incompréhensible » et estime qu'elle « aggrave la situation et ne contribue pas à la détente ».

« Notre soutien, le soutien de l'Europe, à Juan Guaidó reste intact », a ajouté le ministère allemand des Affaires étrangères en félicitant « l'ambassadeur Kriener (qui) a fait de l'excellent travail à Caracas, en particulier ces derniers jours ».

La crispation du gouvernement vénézuélien accompagne de nouvelles sanctions annoncées par Washington, qui a révoqué les visas de 77 responsables du régime et de leurs proches, en plus des dizaines d'annulations déjà annoncées, et menacé les « institutions financières étrangères impliquées (dans l'aide) à Nicolas Maduro et à son réseau corrompu ».

« Nous allons continuer à demander des comptes à l'ensemble du régime Maduro jusqu'à ce que la "libertad" soit rétablie au Venezuela », a prévenu le vice-président américain Mike Pence.

Accusé « d'ingérence dans les affaires intérieures » du pays, l'ambassadeur allemand Daniel Kriener a été déclaré persona non grata et prié de quitter le pays « dans les 48 heures », a annoncé la vice-présidence vénézuélienne.

Guaidó veut plus de sanctions contre le régime

Le diplomate allemand s'était rendu lundi à l'aéroport international de Caracas comme une douzaine d'autres diplomates occidentaux et latino-américains pour y accueillir Juan Guaidó, président de l'Assemblée nationale et président par intérim autoproclamé, que soutiennent une cinquantaine de pays.

M. Guaidó avait annoncé son retour « malgré les menaces », M. Maduro ayant averti qu'il devrait s'expliquer devant la justice pour être passé outre une interdiction de sortie du territoire pour se rendre en Colombie et plusieurs autres pays sud-américains.

L'opposant et président du Parlement, qui s'est proclamé président par intérim du Venezuela le 23 janvier, fait depuis l'objet d'une enquête pour « usurpation ».

« Le Venezuela juge inacceptable qu'un diplomate étranger exerce un rôle public proche de celui d'un responsable politique aligné sur le complot de secteurs extrémistes de l'opposition vénézuélienne », a dénoncé la vice-présidence dans un communiqué.

Pour Juan Guaidó, qui a présidé mercredi une réunion de l'Assemblée nationale, l'expulsion de l'ambassadeur allemand constitue « une menace contre le monde libre ».

Dans un entretien publié jeudi par le Spiegel, il appelle l'ambassadeur allemand à rester au Venezuela, et demande à l'Europe de « renforcer les sanctions financières contre le régime » en place.

« La communauté internationale doit empêcher que l'argent des Vénézuéliens ne soit utilisé à mauvais escient pour tuer les opposants au régime et les peuples autochtones », déclare M. Guaidó dans cet entretien au média allemand.

À ce stade, seul l'ambassadeur allemand a fait l'objet d'une mesure d'expulsion.

Douze autres représentants occidentaux et latino-américains étaient venus lundi accueillir M. Guaidó à l'aéroport « comme témoins de la démocratie et de la liberté, afin que le président Guaidó puisse rentrer », selon les mots de l'ambassadeur de France à Caracas, Romain Nadal.

Les États-Unis avaient menacé de représailles s'il était porté atteinte à l'opposant.

Dans un message le soir même sur Twitter, M. Guaidó avait « remercié » les diplomates « qui ont accompagné notre retour au Venezuela » citant outre l'Allemagne, la France, l'Espagne, le Portugal, les Pays-Bas, la Roumanie, le Canada, le Chili, l'Argentine, le Brésil, le Pérou, l'Équateur et les États-Unis.

Un journaliste américain arrêté puis libéré

Un journaliste américain, Cody Weddle (correspondant à Caracas depuis plusieurs années de divers médias, dont la chaîne ABC et le quotidien Miami Herald), a été arrêté mercredi matin à son domicile et emmené vers un lieu inconnu.

La secrétaire d'État américaine adjointe chargée des Amériques, Kimberly Breier, a fait état dans un tweet de sa « profonde inquiétude » et demandé sa « libération immédiate ».

Le journaliste a été relâché dans la soirée et sera renvoyé aux États-Unis, ont annoncé un des médias pour lequel il travaillait et un syndicat de presse vénézuélien.

« Cody Weddle a été libéré après avoir été détenu par les autorités vénézuéliennes », a écrit sur Twitter la chaîne Local 10 News, basée à Miami.

Le journaliste doit être expulsé vers les États-Unis jeudi, selon le syndicat des travailleurs de la presse (SNTP).

M. Guaidó a estimé que la mesure prise contre Cody Weddle « visait, en vain, à cacher la vérité ».

Le 23 février, les forces armées vénézuéliennes s'étaient violemment opposées à l'entrée de l'aide humanitaire organisée par l'opposition avec l'aide des États-Unis et bloquée aux frontières avec le Brésil et la Colombie.

C'est à cette occasion que Juan Guaidó s'était rendu clandestinement en Colombie. Les incidents avaient fait sept morts et plus de 300 blessés.

Depuis, la frontière avec la Colombie, que des milliers de Vénézuéliens traversaient chaque jour pour travailler ou se ravitailler, est restée fermée.