Un bras de fer a débuté mardi au Venezuela entre l'opposition de droite, qui contrôle le Parlement pour la première fois depuis 1999, et le gouvernement chaviste de Nicolas Maduro, déterminé à lui compliquer la tâche, dans un pays à l'économie exsangue.

Au terme d'une cérémonie d'investiture chahutée et marquée par le départ de l'hémicycle des députés pro-chavistes (du nom du président défunt Hugo Chavez, au pouvoir de 1999 à 2013), la nouvelle Assemblée nationale a officiellement pris ses fonctions mardi et clairement affiché son intention de défier le président Maduro.

«A partir d'aujourd'hui, les choses changent ici», a déclaré Henry Ramos Allup, le nouveau président du Parlement, en évoquant ouvertement le départ de Nicolas Maduro. Dans son discours, cet anti-chaviste farouche a réaffirmé son intention de proposer, «dans un délai de six mois», une voie «constitutionnelle pour changer de gouvernement».

En écho, M. Maduro a prévenu dans la soirée qu'il défendrait d'une «main de fer» la démocratie et la stabilité du pays, affirmant que l'opposition ne le ferait pas «reculer ni trembler».

L'opposition entend aussi faire voter une loi d'amnistie des 75 prisonniers politiques qu'elle recense, parmi lesquels l'opposant radical Leopoldo Lopez, 44 ans. Il a été condamné en septembre à près de 14 ans de prison pour incitation à la violence au cours de manifestations en 2014, qui ont officiellement fait 43 morts.

Cependant, les anti-chavistes n'ont pas réussi à obtenir la majorité qualifiée des deux tiers, qui leur confèrerait de larges prérogatives, seuls 163 des 167 députés élus le 6 décembre ayant été officiellement investis pour cinq ans.

La prise de fonction des quatre députés manquants, trois opposants et un chaviste, est temporairement suspendue par une décision du Tribunal suprême de justice (TSJ).

Avec 109 députés, l'opposition détient malgré tout la majorité des trois cinquièmes qui lui permet d'adopter des mesures importantes: s'opposer aux décrets présidentiels de M. Maduro, voter une motion de censure contre des ministres ou le vice-président pouvant entraîner leur destitution.

Les élections législatives de décembre ont été largement remportées par la coalition d'opposition de droite (112 sièges), réunie sous le nom de Table de l'unité démocratique (MUD), contre 55 députés pour le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV), hégémonique depuis 1999.

Mais la plus haute autorité judiciaire du pays a décidé fin décembre de suspendre l'élection de quatre députés dans l'État d'Amazonas. L'opposition ne reconnaît pas cette décision du TSJ, considéré comme un allié du chavisme.

Les États-Unis ont souhaité mardi soir une solution «transparente» à ce litige.

PHOTO ALEJANDRO CEGARRA, AP

Des partisans de l'opposition de droite manifestent à proximité de l'Assemblée nationale à Caracas, le 5 janvier.  

Pénuries au quotidien

La majorité des deux tiers aurait permis à l'opposition de convoquer un référendum, mettre en place une assemblée constituante, voire d'entraîner, via une réduction de la durée de son mandat, le départ anticipé du président.

Dans la nuit de lundi à mardi, le président Maduro avait garanti une prise de fonction «pacifique» des nouveaux députés, lors de déclarations retransmises à la télévision.

Un signe d'apaisement, après des semaines d'escalade, qui contraste avec la décision du président, publiée mardi, de s'attribuer le pouvoir de nommer le président de la Banque centrale, qui régit la politique monétaire du pays. Jusqu'ici, cette attribution revenait à l'Assemblée.

Cette nouvelle mesure vient amoindrir la marge de manoeuvre de l'opposition, qui a promis de prendre des mesures fortes pour faire face à la profonde crise économique qui frappe le pays.

Le Venezuela, qui possède les plus grandes réserves pétrolières du monde, a vu son économie s'effondrer ces derniers mois au même rythme que les cours du brut.

Pénuries au quotidien et inflation galopante (200% selon les experts) suscitent un mécontentement populaire qui a profité à l'opposition. Désormais divisés et partagés entre espoir et pessimisme, les Vénézuéliens redoutent le bras de fer entre les pouvoirs exécutif et législatif qui s'annonce dans ce régime présidentialiste.

La capacité à gouverner le pays et maintenir sa stabilité vont dépendre de la manière dont le chavisme va gérer sa défaite et l'opposition sa majorité législative et ses divisions internes, estime Luis Vicente Leon, président de l'institut de sondages Datanalisis.

PHOTO CHRISTIAN VERON, REUTERS

Des membres des milices pro-chavistes «colectivos», accusées par leurs détracteurs d'être composées de «voyous», étaient très visibles aux abords du palais présidentiel Miraflores, le 5 janvier.