La ville de Beni, dans l'est de la République démocratique du Congo, a été visée dans la nuit de dimanche à lundi par une nouvelle attaque attribuée aux rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF), et dans laquelle une dizaine de personnes ont été tuées.

« Des présumés ADF ont attaqué Beni dans la nuit par le nord à partir du quartier Boikene. Huit civils ont trouvé la mort par balles, un militaire a été tué et une présumée milicienne ADF a aussi été tuée », a dit à l'AFP Gilbert Kambale, président de la Société civile de Beni, ville du nord de la province du Nord-Kivu.

L'identité de cette femme mentionnée par M. Kambale est cependant sujette à caution. Omar Kavota, chef d'une ONG locale de défense des droits de l'Homme, avance pour sa part un bilan de dix morts : sept civils, dont trois femmes - cinq tués par balles, deux à la machette -, un assaillant et un « officier supérieur ».

Le lieutenant Mak Hazukay, porte-parole de l'armée, n'a pas voulu donner de bilan de l'attaque. « Les Forces armées de la RDC (FARDC) ont intercepté des ADF et, dans les échanges de tirs, des civils et des militaires ont été tués », a-t-il simplement déclaré à l'AFP.

Depuis octobre 2014, environ 700 personnes ont été tuées dans une série de massacres ou d'attaques dans la région de Beni. La dernière tuerie d'envergure a coûté la vie à plus de cinquante civils mi-août.

Selon des témoins, le quartier attaqué s'est vidé de ses habitants, qui ont trouvé refuge au centre de la ville de Beni, importante place commerciale et fief de la communauté Nande à 350 km au nord de Goma, la capitale du Nord-Kivu.

Vendredi, l'organisation de défense des droits de l'Homme américaine Human Rights Watch (HRW) a dénoncé l'incapacité de Kinshasa et de la Mission de l'ONU au Congo (Monusco) à endiguer la violence dans la région de Beni, les exhortant à définir « une nouvelle stratégie pour protéger les civils » dans cette zone.

Proportions incontrôlables

Lassée de la passivité des FARDC et des Casques bleus, la population de Beni et de ses environs a organisé des journées « villes mortes » à répétition depuis deux ans pour dénoncer la violence et exiger du gouvernement qu'il assure la sécurité de ses concitoyens, mais les attaques se poursuivent.

Dans la journée, quelques véhicules de la Mission de l'ONU en RDC (Monusco) qui se dirigeaient vers Boikene « ont été caillassés par les populations », confirme Félix Prosper Basse, porte-parole de la plus grosse mission de maintien de la paix onusienne au monde, avec près de 19 000 hommes en uniforme.

Pour la Monusco et le gouvernement congolais, les auteurs de ces tueries de Beni, commises essentiellement à l'arme blanche, sont des combattants ADF.

Cette version est remise en cause par des chercheurs à New York et un groupe d'experts onusiens pour qui les ADF partagent cette responsabilité avec d'autres groupes armés et certains éléments des FARDC, avec la complicité de certains chefs militaires locaux.

À l'approche de la fin du mandat du président congolais Joseph Kabila le 20 décembre, HRW craint que la situation de Beni ne soit plus la priorité du gouvernement de la RDC avec le risque qu'elle prenne « des proportions incontrôlables ».

HRW fait valoir que l'attention des autorités congolaises risque d'être tournée vers la gestion de la crise politique née du report de la présidentielle après le terme du mandat de M. Kabila, au pouvoir depuis 2001, et à qui la Constitution interdit de se représenter.

Opposés au président ougandais Yoweri Museveni, les rebelles musulmans des ADF ont trouvé refuge au Congo en 1995. La province du Nord-Kivu, comme l'ensemble de l'est de la RDC, est déchirée par des conflits armés depuis plus de vingt ans.