Les Égyptiens ont élu sans engouement un Parlement quasiment entièrement acquis au tout-puissant président Abdel Fattah al-Sissi, l'ex-chef de l'armée qui a destitué son prédécesseur islamiste Mohamed Morsi et réprimé implacablement toute opposition.

Selon les résultats officiels annoncés vendredi par le chef de la Commission électorale Ayman Abbas, le taux de participation lors de ces élections législatives organisées en plusieurs étapes sur un mois et demi est de 28.3 % - soit 15 millions des quelque 53 millions d'électeurs inscrits. Signe du peu d'enthousiasme suscité par le scrutin en l'absence quasi totale de candidats de l'opposition.

Car depuis qu'il a destitué en juillet 2013 M. Morsi, premier président élu démocratiquement en Égypte, le maréchal à la retraite Sissi, élu en mai 2014 après avoir éliminé toute opposition de la scène politique, dirige d'une main de fer par décrets présidentiels le plus peuplé des pays arabes.

Le nouveau Parlement de 596 députés, entièrement acquis à sa cause, ne sera donc qu'une chambre d'enregistrement de ses décisions, redoutent les experts.

La coalition «Pour l'amour de l'Égypte», qui affiche un soutien inconditionnel à M. Sissi et comprend un grand nombre d'anciens membres du Parti national démocrate (PND, dissous) du raïs déchu Hosni Moubarak, a remporté la totalité des 120 sièges à pourvoir selon un mode de scrutin de liste.

Le président doit par ailleurs choisir 28 députés. Les députés restants - des indépendants ou issus de partis politiques - ont été élus selon un mode de scrutin uninominal, a précisé M. Abbas.

«Ce sera le Parlement du président, je ne pense pas qu'il aille représenter une réelle opposition, ou qu'il instaure un équilibre face au pouvoir du chef de l'État», estimait Hazem Hosni, politologue de l'Université du Caire, à la veille de l'annonce des résultats.

L'immense majorité des candidats avaient affiché ouvertement leur soutien à M. Sissi, qui refuse de fonder son propre parti.

L'ex-chef de l'armée avait promis la tenue de ces législatives dans un délai rapide, mais le scrutin avait été plusieurs fois reporté, sans susciter d'émoi au sein d'une population qui lui est acquise dans sa grande majorité.

Frères musulmans interdits

La mobilisation des électeurs était donc bien plus faible en 2015 que lors des législatives de 2012, organisées dans le sillage de la révolte de 2011 qui chassa Hosni Moubarak du pouvoir et marquées par un enthousiasme sans précédent.

Ce scrutin avait été remporté haut la main par la confrérie islamiste des Frères musulmans.

Le mouvement dont est issu M. Morsi a aujourd'hui été classé «organisation terroriste» par les autorités et interdite d'élections.

Policiers et soldats ont par ailleurs tué plus de 1400 manifestants islamistes, tandis que plus de 15 000 Frères musulmans ou sympathisants ont été emprisonnés dans les semaines qui ont suivi l'éviction de M. Morsi.

Des centaines ont été condamnés à mort - dont M. Morsi et presque tous les dirigeants de sa confrérie - dans des procès de masse expéditifs critiqués par l'ONU.

Et après l'opposition islamiste, c'est les mouvements laïques et de gauche qui se sont retrouvés dans le viseur des autorités. Plusieurs de ces mouvements ont d'ailleurs boycotté les élections.

Le scrutin intervient au moment où le pays fait face à une insurrection djihadiste, notamment dans le nord de la péninsule du Sinaï, où la branche égyptienne du groupe armé État islamique (EI) multiplie les attentats spectaculaires contre la police et l'armée.

Des violences qui constituent un frein important au décollage de l'économie égyptienne, laminée par l'instabilité qui secoue le pays depuis 2011 et que M. Sissi s'était engagé à relancer.

Le tourisme, pilier de l'économie, peine à se redresser. Avec les troubles politiques incessants, les visiteurs occidentaux boudent le pays des pharaons. Et les stations balnéaires de la Mer rouge, épargnées par l'instabilité et très prisées par les touristes russes, ont été frappées de plein fouet par l'écrasement fin octobre d'un avion russe dans le Sinaï.

Les 224 personnes à bord de l'Airbus ont été tuées dans le drame, et Moscou a admis qu'il s'agissait d'un attentat à la bombe. Mais les autorités du Caire semblent toujours traîner des pieds pour reconnaître cette thèse.

La branche égyptienne de l'EI avait revendiqué l'écrasement, affirmant avoir réussi à introduire une bombe dans l'appareil.