Un journaliste canadien étiqueté comme terroriste par le gouvernement égyptien affirme que les nouvelles lois qui viennent tout juste d'être adoptées au pays hausseront les probabilités que d'autres reporters soient traités de la même façon que lui.

Mohamed Fahmy et deux de ses collègues du réseau anglophone Al Jazeera ont été emprisonnés pendant plus d'une année après que le gouvernement égyptien les eut accusés de soutenir une organisation politique rivale et d'avoir ainsi miné la sécurité nationale par leur couverture médiatique.

M. Fahmy dit que sa détention et ses deux procès ont été régis par une série de règles non écrites qui sont maintenant devenues loi officielle en Égypte.

Les nouvelles règles, devenues loi dimanche soir par la signature du président Abdel-Fattah al-Sissi, définissent le terrorisme de façon fort large, soit comme étant «tout acte qui trouble l'ordre public avec force».

Il est expressément stipulé que les journalistes ne peuvent rapporter des nouvelles qui contrediraient les déclarations des responsables du gouvernement, et ceux qui seront pris à violer ces lois feront face à des pénalités allant de lourdes amendes à de longues peines de prison.

M. Fahmy soutient que la nouvelle loi consacre le système injuste qui l'a gardé dans les limbes juridiques pendant les deux dernières années et demie.

Ces lois, a-t-il dit, vont faire en sorte que son histoire va se répéter.

«Cela n'était pas écrit noir sur blanc. Ce n'était pas explicite. Maintenant, c'est le cas», a déclaré M, Fahmy en entrevue téléphonique depuis le Caire.

«Il est très clair que si vous ne suivez pas la ligne du gouvernement, vous serez poursuivis.»

Les autorités égyptiennes affirment que les nouvelles mesures vont permettre de combattre les militants islamiques, mais les groupes de droits humains et même certains politiciens égyptiens et juges ont soulevé des inquiétudes sur ces lois restrictives.

La loi de 54 articles prévoit de dures peines de prison pour une série de crimes incluant le fait de promouvoir ou d'encourager des «infractions terroristes» ou d'endommager des institutions ou des infrastructures de l'État. Certaines infractions, comme d'être à la tête d'un groupe terroriste, sont associées à la peine de mort.

Les Égyptiens ont vécu pendant des décennies sous de supposées «lois d'urgence» qui ont donné à la police de larges pouvoirs, ce qui a partiellement inspiré la révolte en 2011 contre le dictateur de longue date Hosni Moubarak. La loi a été suspendue après sa chute, mais les défenseurs des droits humains disent que la nouvelle loi antiterrorisme est encore plus draconienne que les mesures d'urgence.

Les règles pour les journalistes sont tout aussi strictes. Les médias sont sujets à des amendes allant de 33 400 $ à 83 600 $ s'ils publient de «fausses nouvelles» sur des actes terroristes ou des nouvelles contredisant les rapports du ministre de la Défense.

M. Fahmy dit que ces mesures enlèvent tout sens à sa profession.

«Pourquoi les journaliste seraient-ils même là? Pourquoi on ne fait pas juste déposer nos crayons et nos caméras et attendre que le gouvernement diffuse ses déclarations?», a-t-il demandé. «Il n'y a plus de raison de faire du journalisme. Notre travail est de remettre en question le gouvernement.»

M. Fahmy et ses deux collègues ont été arrêtés en 2013 et accusés d'une série d'infractions, incluant d'avoir fabriqué des images vidéo et d'avoir miné la sécurité du pays. Ils ont été condamnés lors d'un procès hautement critiqué et ont reçu de lourdes peines de prison avant qu'une Cour d'appel ordonne un nouveau procès.

Son nouveau verdict est attendu le 29 août.