Dans deux jours, le journaliste canado-égyptien Mohamed Fahmy marquera le 1er anniversaire de son emprisonnement en Égypte. Espérant une libération pour la nouvelle année, le détenu et sa famille implorent le gouvernement canadien de lever le ton. Tout de suite.

Dans le rêve éveillé d'Adel Fahmy, son frère Mohamed se présentera le jour de l'An devant le juge égyptien qui doit entendre sa cause en appel. Toujours dans ce rêve, le juge annoncera alors au journaliste d'Al-Jazeera qu'il est libéré pour des raisons de santé ou mieux, expulsé au Canada.

«Nous espérons que si le président [égyptien] prend une décision, cette décision sera relayée par le juge lors de l'appel le 1er janvier», dit au bout du fil le frère cadet de Mohamed Fahmy, joint hier au Caire.

Ce scénario idéal, dit-il, dépend en grande partie du gouvernement du Canada, qui jusqu'à maintenant est resté fort discret dans ses efforts diplomatiques pour obtenir la libération du journaliste canado-égyptien, condamné en juin dernier à sept ans d'emprisonnement.

Cri du coeur

À la veille de Noël, Mohamed Fahmy a réussi à s'adresser à des journalistes de l'émission Fifth Estate de la CBC à partir de sa prison, demandant au premier ministre Stephen Harper d'intervenir personnellement auprès du président égyptien, l'ex-militaire Abdel Fattah al-Sissi.

Au bout du fil, Adel Fahmy réitère la demande. «Peut-être que jusqu'à ce jour, le gouvernement canadien a eu raison de dire que la diplomatie du haut-parleur n'était peut-être pas la meilleure manière de gérer la situation, mais alors que nous approchons de la ligne d'arrivée et qu'il y a plus d'options sur la table, nous demandons au gouvernement de prendre des positions plus combatives», dit Adel Fahmy, 36 ans.

Deux développements récents ont donné de l'espoir à la famille du détenu. L'animosité entre l'Égypte et le Qatar, qui, aux dires d'Adel Fahmy, est au coeur de l'arrestation de son frère et de deux autres journalistes d'Al-Jazeera, est descendue d'un cran.

De plus, le président Al-Sissi a mentionné la possibilité de déporter des détenus étrangers vers leur pays d'origine.

En réponse à la demande d'intervention des Fahmy, le ministre des Affaires étrangères John Baird a annoncé qu'il se rendra en Égypte pour discuter du cas de Mohamed Fahmy dans la deuxième semaine de janvier. Cependant, le premier ministre n'a pas confirmé s'il prendra le téléphone pour parler au chef d'État égyptien au cours des prochains jours.

Épuisement

Mohamed Fahmy et sa famille espèrent que leur combat tire à sa fin. Le journaliste emprisonné, qui souffre de l'hépatite C et qui a dû subir une opération chirurgicale à l'épaule, est à bout de patience. 

«Il est agressif, en colère. Il passe à travers des montagnes russes d'émotions», dit son frère qui a pu le visiter au moins à une vingtaine de reprises depuis un an. «Le plus dur, c'est de voir mon frère et ma famille souffrir pour un crime que Mohamed n'a pas commis. Il paye le prix d'une bataille politique entre le Qatar [qui finance Al-Jazeera] et l'Égypte.»

Le 29 décembre 2013, Mohamed Fahmy a été arrêté avec deux collègues, l'Australien Peter Greste et l'Égyptien Baher Mohamed, dans une chambre de l'hôtel Marriott. Ils ont été accusés de fabriquer de fausses informations pour le compte d'Al-Jazeera et de soutenir les Frères musulmans, organisation islamiste bannie par le régime militaire d'Abdel Fattah al-Sissi au lendemain du coup militaire du 3 juillet 2013.

M. Fahmy et Greste ont été condamnés à sept ans de prison alors que leur collègue égyptien a reçu une sentence de dix ans. Les condamnations ont été décriées par Amnistie internationale et par des journalistes du monde entier.

Originaire d'une famille de policiers égyptiens, Mohamed Fahmy, aujourd'hui âgé de 40 ans, est venu vivre au Canada avec sa famille quand il était enfant. Au début des années 2000, il a fait un retour au Moyen-Orient pour couvrir les événements secouant la région, de la guerre en Irak au Printemps arabe. Il a travaillé pour le Los Angeles Times, des chaînes arabes et pour CNN avant de devenir le chef du bureau anglophone d'Al-Jazeera au Caire au début de l'automne 2013. Trois mois plus tard, il était arrêté.