Le président sud-soudanais Salva Kiir a annoncé mercredi, à l'issue de 48 heures d'intenses combats à Juba entre factions de l'armée, vouloir «parler» avec son rival politique Riek Machar, accusé d'avoir voulu le renverser.

Les combats ont fait quelque 500 morts et 800 blessés selon l'ONU dans la capitale sud-soudanaise, où la situation semblait revenir lentement à la normale mercredi, mais des affrontements étaient désormais signalés en province.

Après une nuit marquée par des tirs épisodiques, seuls quelques coups de feu isolés ont été entendus mercredi dans la capitale, selon un journaliste de l'AFP. L'aéroport a rouvert et plusieurs compagnies ont repris leurs vols vers Juba mercredi.

Mais l'ONU a signalé des violences à Bor, capitale de l'État traditionnellement instable du Jonglei (est) et à Torit, capitale de l'État d'Equatoria-Oriental (sud-est).

À Bor, «on nous a signalé des combats (...) depuis 3 h (19 h mardi à Montréal). Des centaines de civils ont afflué dans notre base des faubourgs de la ville, on me dit qu'ils sont plus de 1000 et que Bor est très tendue», a déclaré Joe Contreras, porte-parole de la Mission de l'ONU dans le pays (MINUSS).

Le président Kiir a accusé mercredi soir un général rebelle d'avoir tenté, sans y parvenir, de prendre Bor pour le compte de Riek Machar. Il a néanmoins parallèlement appelé les habitants de Juba «à rentrer chez eux», notamment ceux ayant trouvé refuge dans les bases de l'ONU à Juba, estimés à entre 15 000 et 20 000.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a prévenu mercredi que les violences risquent «de s'étendre à d'autres États du pays» et a appelé au «dialogue» pour résoudre cette «crise politique».

Le président Kiir a aussi annoncé à la presse vouloir discuter avec son ancien vice-président Riek Machar, officiellement recherché avec quatre autres figures politiques du pays et qui, selon le chef de l'État «a fui avec les troupes qui lui sont loyales».

«Je vais m'asseoir avec lui - Riek (Machar) - et parler (...), mais je ne sais pas quels seront les résultats des discussions», a déclaré Salva Kiir, tout en affirmant que «les gens qui ont tué seront traduits en justice et jugés».

«Pas de coup d'État»

Dix hautes personnalités ont été arrêtées, selon le gouvernement, dont huit anciens ministres du cabinet limogé en juillet en même temps que M. Machar.

La plupart sont des poids lourds du parti au pouvoir, le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), et des figures historiques de la rébellion sudiste ayant affronté Khartoum durant la longue guerre civile soudanaise (1983-2005) qui a abouti à l'indépendance du Sud en 2011.

Riek Machar a estimé mercredi dans un entretien au site indépendant Sudan Tribune que la tentative de coup d'État que lui attribue le président Kiir n'était qu'un prétexte pour se débarrasser de ses rivaux.

«Il n'y a pas eu de coup d'État. Ce qui s'est passé à Juba est un malentendu entre membres de la garde présidentielle, au sein de leur unité», a affirmé M. Machar, qui s'exprimait depuis un endroit inconnu.

«Salva Kiir a voulu utiliser la prétendue tentative de coup d'État pour se débarrasser de nous pour contrôler le gouvernement et le SPLM», a expliqué M. Machar, toujours officiellement vice-président du parti, au sein duquel il s'opposait ouvertement à M. Kiir.

La rivalité entre MM. Kiir et Machar plonge ses racines dans les décennies de guerre civile. En 1991, Riek Machar avait tenté, en vain, de renverser la direction historique - dont Salva Kiir était membre - de l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLA), qui s'était alors fracturée sur des bases ethniques.

M. Machar avait fait défection, ralliant un temps ses troupes à Khartoum contre la SPLA, qu'il avait finalement réintégrée au début des années 2000.

En 1991 à Bor, la faction de Machar - majoritairement de son ethnie Nuer - avait massacré environ 2000 civils Dinkas, communauté de Salva Kiir.

L'ONU a mis en garde mardi contre le risque d'affrontements ethniques au Soudan du Sud, mais Salva Kiir a démenti que «ce qui s'est passé à Juba soit un conflit entre Dinkas et Nuer». «Ce n'est pas un combat tribal», a-t-il affirmé mercredi, se décrivant comme «le président de tous les Sud-Soudanais».

Les États-Unis évacuent 120 personnes

Les États-Unis ont évacué mercredi 120 personnes du Soudan du Sud, parmi lesquelles une partie des employés gouvernementaux, en raison des graves troubles politiques dans ce jeune pays, ont indiqué des responsables américains.

Le département d'État avait déjà ordonné mardi l'évacuation de ses diplomates et employés jugés non essentiels au Soudan du Sud et l'arrêt d'activités de son ambassade à Juba.

Mercredi, deux avions de transport C-130 et un troisième appareil ont décollé de la capitale sud-soudanaise avec à leur bord «du personnel non essentiel à la tête de la mission diplomatique, des ressortissants américains et de pays tiers», a dit la porte-parole adjointe de la diplomatie américaine, Marie Harf.

Du côté du Pentagone, un porte-parole a précisé que les deux C-130, venus de Djibouti, avaient atterri sans encombre à Nairobi, au Kenya voisin, vers 13 h GMT (8h à Montréal).

À Juba, «les conditions de sécurité devenaient vraiment mauvaises, avec des tirs à l'aéroport», a assuré un fonctionnaire du ministère de la Défense.

D'autres vols pourraient être effectués en fonction des besoins, le département d'État rappelant avoir conseillé à tous ses ressortissants de quitter le Soudan du Sud «immédiatement».

Tout comme Washington, Londres et Oslo ont annoncé l'évacuation d'une partie de leur personnel diplomatique.