La population Ngok Dinka de la région d'Abyei a voté à 99,9 % pour un rattachement au Soudan du Sud de cette région également revendiquée par le Soudan, a indiqué jeudi un responsable du comité d'organisation de ce référendum non reconnu par les deux pays.

Grande comme le Liban avec une population sédentaire d'une centaine de milliers d'habitants, la région d'Abyei est prise en étau entre Soudan et Soudan du Sud.

Son statut reste l'un des points de crispation majeurs non résolus par l'accord de paix de 2005, qui a mis fin à deux décennies de guerre civile entre gouvernement soudanais et rébellion sudiste et a débouché sur la partition du Soudan en 2011.

Plus que stratégique, l'intérêt que portent Juba et Khartoum à ce territoire est essentiellement symbolique et affectif, de nombreux responsables soudanais et sud-soudanais en étant originaires.

Un référendum d'autodétermination était prévu par cet accord de paix, mais a sans cesse été repoussé, notamment en raison d'un désaccord entre Khartoum et Juba sur la composition du corps électoral à Abyei.

Se disant lassé d'attendre ce référendum, la communauté Ngok Dinka, la population sédentaire d'Abyei, liée par l'identité ethnique à Juba, a organisé unilatéralement sa propre consultation, une démarche dont les autorités sud-soudanaises avaient annoncé se désolidariser.

«Le comité (d'organisation) du référendum a annoncé les résultats et le nombre de gens ayant choisi de faire partie du Soudan du Sud représente 99,9 % des votes», a déclaré Luka Biong, porte-parole du Haut comité pour le référendum d'Abyei.

Selon un observateur indépendant, Tim Flatman, 63 433 des 64 775 inscrits se sont rendus aux urnes durant les trois jours de consultation, de dimanche à mardi. Seuls 12 bulletins favorables à un rattachement au Soudan ont été recensés et 362 votes ont été déclarés nuls, a-t-il précisé.

Bien que les organisateurs ont souligné que le scrutin était ouvert à tous, seuls sont allés voter, selon des témoins, les Ngok Dinka, membres du peuple Dinka, majoritaire au Soudan du Sud et auquel appartiennent de nombreux hauts responsables sud-soudanais, dont le président Salva Kiir.

L'autre population d'Abyei, la communauté arabophone et semi-nomade Misseriya, qui va et vient entre le Soudan et Abyei et est favorable à un rattachement à Khartoum, avait exclu toute participation à ce référendum et menacé d'organiser sa propre consultation.

«Les gens font la fête, il y a des danses et de la musique. Les neuf chefs des Ngok Dinka défilent, ils vont signer une déclaration d'engagement à rejoindre le Soudan du Sud», a relaté M. Biong jeudi.

Mais les observateurs craignent que ce référendum ne débouche sur de nouvelles violences. Outre les tensions locales entre Ngok Dinka et Misseriya, le référendum est susceptible d'attiser les dissensions toujours latentes entre Khartoum et Juba, avec à la clé la possibilité d'un nouveau conflit ouvert entre les deux ex-belligérants d'un des plus longs conflits africains.

L'Union africaine (UA), qui mène une médiation entre le Soudan et le Soudan du Sud, mais dont les efforts pour trouver une solution au dossier Abyei sont pour l'heure restés infructueux, a qualifié le référendum de démarche «irresponsable» et de «menace pour la paix».

Et l'ONU a récemment estimé la situation à Abyei «explosive».

«Même si la proclamation des résultats ne débouche pas immédiatement sur des affrontements, la transhumance annuelle à venir (des Misseriya) va représenter un véritable test pour les deux camps», explique dans un récent rapport le groupe de recherche indépendant Small Arms Survey, notant que les «populations d'Abyei sont profondément frustrées».