Les rebelles centrafricains du Séléka qui ont forcé vendredi à la mi-journée le dernier verrou sur la route de Bangui, sont aux portes de la capitale «à quelques kilomètres», et l'attaque pourrait être imminente.

«Nous sommes aux portes de Bangui. Je ne peux pas vous dire où, c'est un secret militaire de même que nos effectifs, mais Damara (75 km de Bangui, dernier verrou) est derrière nous. La dernière barrière, ce sont les Sud-Africains», a déclaré l'un des chefs militaires du Séléka Djouma Narkoyo, joint au téléphone depuis Libreville, affirmant toujours être «en progression».

Selon le ministère des Affaires étrangères français, «les rebelles de la Séléka ne seraient plus qu'à quelques kilomètres de Bangui».

«Nous appelons toutes les parties à faire preuve de retenue et à respecter les populations civiles», a déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay Philippe Lalliot.

Dans un communiqué publié après une réunion d'urgence convoquée à la demande la France, le Conseil de sécurité des Nations unies a exprimé vendredi sa «vive inquiétude» face à l'avancée des rebelles, et estimé que ceux qui étaient accusés d'exécutions ou de viols devaient «être tenus responsables».

Sur le terrain, les rebelles affirment ne pas avoir rencontré de résistance des Forces armées centrafricaines (FACA): «Ils sont démoralisés. Les FACA ne peuvent plus combattre pour (le président François) Bozizé».

En début d'après-midi, l'un des porte-parole du Séléka, Éric Massi avait appelé depuis Paris «tout le monde, civils et militaires, au calme en attendant l'arrivée de nos troupes à Bangui, afin d'éviter des combats inutiles».

Les rebelles ont franchi Damara (75 km de la capitale) le dernier verrou avant Bangui vers 12 h (heure locale), forçant un barrage tenu par par la Force militaire des États d'Afrique centrale (Fomac), selon une source au sein de la Fomac.

«Il y a eu des tirs sans faire de blessés», a-t-elle précisé.

Toutefois, un porte-parole de la présidence centrafricaine a démenti à la radio nationale l'arrivée des rebelles demandant «aux habitants de Bangui de garder le calme, la tranquillité et de vaquer à leurs occupations. Ils ne doivent pas céder à la panique».

Le président Bozizé «est disposé à faire la paix et non à faire couler le sang. Il tend toujours la main au Séléka», a-t-il conclu.

Situation inquiétante

Le président centrafricain, arrivé au pouvoir par les armes en 2003, ne s'est pas prononcé mais il a effectué une visite éclair au président Jacob Zuma, qui a autorisé le déploiement de 400 militaires sud-africains en Centrafrique dans le cadre «des efforts de l'Afrique du Sud pour apporter la paix et la stabilité dans la région», selon Pretoria qui n'a pas révélé la teneur de l'entretien.

L'annonce de l'arrivée probable des rebelles a semé un début de panique dans Bangui.

Au port de Bangui, des «centaines de gens» tentaient de traverser le fleuve Oubangui pour rallier la République démocratique du Congo (RDC) voisine, à bord des pirogues qui font régulièrement la navette, selon un piroguier sur place.

Toutefois en fin d'après-midi, la situation s'était calmée, selon un habitant.

Cette nuit, les partisans du président Bozizé ont installé de nombreux barrages dans la ville. Il y en avait une dizaine entre le centre-ville et la sortie nord de la ville et aussi de nombreux autres au sud-ouest. Les barrages du sud-ouest étaient tenus par des hommes armés de machettes alors que ceux du nord par des hommes non armés, a constaté un journaliste de l'AFP.

De nombreux soldats centrafricains étaient postés à l'entrée nord de la ville au PK12, non loin d'où sont positionnées les troupes sud-africaines.

Un porte-parole du ministère de la Défense sud-africain a réagi dans un langage diplomatique: «Notre opération reste la même. Nous sommes là pour nous protéger ainsi que notre équipement et faire en sorte qu'il ne tombe pas dans de mauvaises mains. Le mandat est le même: formation (des soldats centrafricains), comme le prévoit l'accord».

Le colonel Narkoyo a lui fait état d'une attaque par un «hélicoptère sud-africain». «Il a survolé notre position, ils nous ont tiré dessus mais il n'y a pas eu de victimes».

Cette attaque par hélicoptère a été confirmée à l'AFP par une source au sein de la Fomac qui a précisé qu'elle avait «sans doute» fait des victimes parmi les rebelles.

De même source, il est possible qu'une partie seulement de la rébellion se soit infiltrée près de la capitale et que le gros des troupes doit encore arriver.

Cette source souligne que la rébellion a mené vendredi une offensive sur Bossangoa, dans le nord-ouest du pays, qu'elle affirme avoir prise. Cette ville stratégique de 40 000 habitants ouvre une nouvelle route vers Bangui pour les rebelles.

Quelque 250 soldats français se trouvent actuellement à Bangui, dans la zone de l'aéroport, situé au nord de la ville. Mais lors de la précédente offensive rebelle en janvier, le président français François Hollande avait précisé qu'ils n'étaient là que pour défendre les «ressortissants et intérêts français».

Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a jugé «inquiétantes» les informations sur la situation et annoncé que des mesures seront prises pour protéger les ressortissants français.

Dimanche, la rébellion du Séléka avait donné 72 heures au pouvoir pour respecter les accords de Libreville, signés le 11 janvier dernier.

Parmi les points revendiqués figurent la libération de prisonniers politiques, la présence des troupes sud-africaines et ougandaises dans le pays mais aussi l'intégration des combattants Séléka dans l'armée.