Ansar Dine, l'un des groupes islamistes contrôlant le nord du Mali, a commencé dimanche à Ouagadougou ses discussions avec la médiation burkinabée, qui le pousse à rompre avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), en pleine préparation d'une intervention armée africaine.

L'heure du choix approche pour le groupe du charismatique Iyad Ag Ghaly, surtout composé de Touareg maliens comme lui et devenu l'une des forces dominant le Nord malien, avec ses alliés jihadistes Aqmi et Mujao (Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest).

Une délégation du groupe arrivée vendredi à Ouagadougou et conduite par Algabass Ag Intalla, un élu du nord du Mali, s'est entretenue en fin de journée durant environ 45 minutes avec Djibrill Bassolé, le chef de la diplomatie du président burkinabé Blaise Compaoré.

«Ça s'est bien passé», a déclaré M. Intalla à la sortie. Il pourrait être reçu lundi par M. Compaoré, médiateur dans la crise malienne au nom de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao).

Les émissaires d'Ansar Dine (Défenseurs de l'islam) «ont réitéré leur disponibilité et leur engagement à trouver une solution négociée à la crise», a indiqué une source proche de la médiation, qui les a trouvés «très disponibles, très ouverts».

Concernant «leurs liens avec les groupes terroristes, ils ont tenu à nous affirmer qu'ils sont un groupe autonome, indépendant» et n'ayant commis «aucun acte terroriste», a-t-elle poursuivi, soulignant que le Burkina Faso attend «des engagements concrets».

Dès samedi, le chef de la diplomatie burkinabée avait rappelé «les exigences de la Cédéao»: qu'Ansar Dine se démarque «de la terreur et du crime organisé», c'est-à-dire rompe avec Aqmi et le Mujao, responsables notamment de rapts dans la région, et rentre dans le «processus de dialogue politique» destiné à rétablir l'unité du Mali.

La question de la charia n'est pas pour l'heure évoquée publiquement, alors que les trois mouvements islamistes appliquent dans leurs zones la loi islamique dans sa version la plus rigoriste.

La crise au Mali a aussi été au coeur de discussions intermaliennes ce week-end à Ouagadougou.

Selon plusieurs sources, M. Intalla a rencontré le ministre malien des Affaires étrangères Tiéman Coulibaly, arrivé samedi et reparti dimanche, et séparément des responsables du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA). Cette rébellion touareg - laïque et prônant l'autodétermination - a été supplantée par les islamistes dans le Nord malien et certains de ses cadres sont au Burkina Faso.

Pression de l'Algérie

Pays incontournable pour une solution à cette crise qui fait craindre à toute la région l'enracinement d'un foyer de «terroristes» dans le nord du Mali, l'Algérie exerce les mêmes pressions sur Ansar Dine.

Le groupe d'Iyad Ag Ghaly négocie à Alger un lâchage d'Aqmi, a rapporté dimanche le quotidien algérien francophone El-Watan, citant «une source proche du dossier» et confirmant la présence sur place d'une autre délégation d'Ansar Dine, alors que les autorités algériennes gardent le silence.

Comme le Burkina Faso, l'Algérie a toujours marqué sa forte préférence pour une solution négociée passant notamment par une inclusion d'Ansar Dine, sans écarter en dernier ressort une intervention militaire.

L'option militaire se précise d'ailleurs: des experts internationaux travaillent depuis le 30 octobre à Bamako sur un «concept d'opération».

Le général Sékouba Konaté, ex-chef d'État guinéen et chargé par l'Union africaine de rendre opérationnelle la future force, est arrivé dimanche à Bamako pour participer à cette réunion, prolongée de dimanche à lundi et qui sera suivi à partir de mardi d'un rendez-vous des chefs d'état-major de la Cédéao.

Le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté le 12 octobre une résolution préparant le déploiement d'une force de quelque 3000 hommes au Mali, qui serait soutenue sur le plan logistique par la France et les États-Unis, et a donné jusqu'au 26 novembre à la Cédéao pour préciser ses plans.